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rues pour le passage de la procession de Zeus Soter. Un canal servait à l’écoulement des eaux, et Priène était à ce point de vue mieux partagée que Smyrne, rebâtie cependant sous Antigone et Lysimaque, car Strabon remarque que, les jours de pluie, des immondices y flottaient dans les rues, changées en torrens. On ne voit aucune trace de trottoirs ; c’est une innovation qui s’introduit seulement à l’époque romaine, et Pompéi est, à cet égard, une ville d’aspect plus moderne que Priène. Mais cette voie largement ouverte, qui traverse toute la ville de l’ouest à l’est, ne laisse pas d’avoir fort bonne apparence, et éveille l’idée d’un mouvement de circulation très actif. Parmi les constructions malheureusement trop ruinées dont elle est bordée, plusieurs méritent attention. Voici, tout près de la porte de la ville, un petit sanctuaire de Cybèle, où l’on a retrouvé deux statues en marbre de la déesse. Plus loin, une sorte de « maison sacrée, » aménagée en vue d’un culte encore inconnu ; la pièce principale est une grande salle, avec une estrade à laquelle conduisent deux petits escaliers. Sur un des montans de la porte sont gravées une liste de prêtresses et des prescriptions rituelles : « On n’entre dans le sanctuaire qu’en vêtement blanc. » Plus loin encore, à l’angle de la grande rue et d’un escalier qui monte à la terrasse d’Athéna Polias, on s’arrête devant une jolie fontaine adossée à un mur en bossage et encadrée entre deux pilastres. Qu’on se rappelle les fontaines en pierre de lave ou en travertin qui, aux principaux carrefours de Pompéi, débitaient l’eau amenée par les conduites publiques : la fontaine de la Concordia Augusta, celle du Coq, celle de Silène, au point de croisement des rues de Stabies et de Nola ; qu’on songe à ce qu’elles mettent de vie dans la monotonie des rues désertes, en suggérant comme la vision de tableaux de genre familiers et populaires. On éprouve la même impression quand on s’attarde à considérer cette élégante construction de marbre. Un peintre de la vie grecque antique y trouverait un cadre fait à souhait pour y placer des scènes de la rue, haltes de passans, défilé de femmes venant, vers le soir, remplir leurs amphores. La fontaine de Priène a entendu bien des commérages qui auraient égayé la verve humoristique d’un Hérondas.

Les maisons déblayées dans le quartier que traversait la rue de l’Ouest sont loin d’offrir le même état de conservation que les habitations pompéiennes ; il n’y a là rien de comparable à la