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l’accent nasillard de M. Brown : « Les affaires sont les affaires et, dame, je ne vous connais pas, monsieur. » Ah ! que ce devait être drôle !

A « sa vieille amie » retrouvée, à elle seule, Livingstone raconta toute la vérité, l’histoire de l’associée de Santa Claus ; il la raconta bien, avec chaleur, sentant vaguement que la cause qu’il avait depuis longtemps désespéré de gagner n’était peut-être pas tout à fait perdue. Aucun miracle, depuis la veille, ne lui semblait impossible.

Mme Shepherd écoutait silencieuse, la tête un peu tournée de côté, les paupières baissées de très longs cils noirs projetaient une ombre sur sa joue pâlie la pitié, une divine pitié semblait éclairer ses traits restés si purs,… le môme profil, à n’en pas douter, dont il avait vu, la veille, les lignes se détacher à la lueur d’une lampe, sous le porche de l’hôpital des enfans.

Certes elle avait souffert, la vie l’avait meurtrie n’importe, lorsqu’elle leva les yeux, c’étaient les yeux de Catherine Trelane, et ces beaux yeux s’adoucirent soudain quand ceux de Livingstone y plongèrent. Elle avait à son corsage une branche de houx aux fruits de corail un des enfans de la maison avait piqué en jouant un brin de gui dans ses cheveux. Et Livingstone la revit les bras chargés de feuillages de Noël, dans la longue et noire avenue, sous les branches dépouillées, craquelantes de givre, avec lui, un beau soir, au pays de leur jeunesse.


THOMAS NELSON PAGE. Tiré par Th. Bentzon de Santa Claus’s partner, 1 vol. New-York, Charles Seribner’s sons.