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forment comme l’élément essentiel et constituent mi ensemble où les artistes et ouvriers d’art trouveront une ample moisson de renseignemens.

Entre tous les livres à gravures publiés cette année, s’il en est un qui se distingue par ce double caractère d’histoire, et d’art, le format somptueux, le luxe des compositions et le talent de l’écrivain, c’est cette monographie de l’Impératrice Marie-Louise[1], qui sera particulièrement appréciée de ceux qui mettent au-dessus de tout l’histoire vraie. Après le portrait de Joséphine, M. Frédéric Masson, qui s’est fait, depuis nombre d’années, l’historiographe de Napoléon et de la famille impériale, avec le même souci d’être exact et ce don de rendre la vie à ce qu’il touche, de reproduire jusqu’aux sentimens les plus intimes, jusqu’à l’allure même des personnages, retrace l’image de Marie-Louise, de celle qui fut, par son mariage, la victime de la politique, qui sembla ne rien comprendre à la grandeur et à la gloire de Napoléon, qui garda toujours sur les yeux un bandeau qui n’était point celui de l’amour, qui ne se montra ni bonne épouse, ni bonne mère, qui abandonna dans l’exil, dans le martyre, son époux et son fils, ne répondit point à sa destinée, et resta toujours, en France, l’archiduchesse d’Autriche, soumise aux volontés de son père.

Jamais n’était apparue sous un jour aussi cru la figure peu sympathique de Marie-Louise, « cette victime des rois, mais non leur complice, cette gentille fille, blonde très fraîche, avec de belles couleurs, une peau rose et blanche, des yeux de faïence claire, un front bas et très large, des traits calqués sur ceux de son père, reproduisant le caractère de la race demeuré indemne au travers de tant de successifs croisemens, surtout l’écartement des yeux, la bouche, la lèvre inférieure ; la bouche et la lippe de Philippe le Beau et de Charles-Quint, cette lèvre démesurée, lourde et pendante, qui, au Charles II de Velasquez, imprime cet ineffable aspect d’idiot mélancolique. »

Il n’est pas une ligne de cette physionomie gravée par la petite vérole, pas un trait de ce caractère qui ne soit aussi nettement dessiné ou rapporté. Aucun des sentimens hautains, égoïstes et bas qui les marquent n’a échappé à la perspicacité de l’historien, dont l’information étendue est vraiment admirable, et qui semble avoir été dans le secret de la cour d’Autriche comme dans la confidence des familiers de Compiègne, de Fontainebleau de Saint-Cloud. Le récit se déroule,

  1. L’Impératrice Marie-Louise, par M. Frédéric Masson, 1 vol. in-4o comprenant 30 planches imprimées en taille-douce ; Manzi, Joyant et Cie.