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là des boutiques jaunes de toute espèce, des hôtels et des restaurans chinois et japonais, des lieux de divertissemens variés. Une population de Chinois y pullule paisiblement, et l’on est tout étonné d’y découvrir, à un tournant, l’imposante masse de la future station électrique.

Le point essentiel de Dalni, c’est le port. Peu importent en effet les avantages ou les désagrémens de la ville ; il y faut un port vaste, profond et sûr. Or, ce port a dû être créé de toutes pièces. Il s’allonge sensiblement de l’Est à l’Ouest, sur la rive méridionale de la baie de Talienouan. Comme il n’a pas de défenses naturelles, on a dû prévoir des môles ; il y en aura deux à l’Est, un long et un large. Le long môle (1 200 mètres) servira de défense contre les vents du large. Au large môle (850 mètres) accosteront les grands paquebots, à proximité d’une voie ferrée rattachée au système central. Le cabotage, les barques de pêche, les petites jonques et les sampans seront installés dans l’angle occidental de l’anse. Ce port a deux graves défauts : d’abord, il est peu profond, ou du moins, pour y trouver de la profondeur, il faut s’éloigner de plusieurs centaines de mètres de la rive ; de plus le fond y est généralement rocheux, ce qui complique beaucoup le travail d’approfondissement. En second lieu, il est ouvert aux vents du Nord, qui dominent en hiver, et y chassent les glaces formées dans les parties peu profondes de la baie. Ce défaut, qu’on n’avait pas remarqué d’abord, rend nécessaire la construction d’une immense jetée brise-lames qui, disposée perpendiculairement aux môles, devra protéger la flotte marchande contre la forte houle et contre les accumulations de glaces.

En ce moment, tout est en fièvre de construction. Nous sommes à la fin de décembre, et, malgré la proximité de la mer qui fait la température plus clémente, la brise nous fait des moustaches de glace. Ma première impression a été saisissante : en face de moi, s’étend la baie, verte à l’Est, d’un vert franc, et bleue à l’Ouest, du côté de la ville. Un paquebot s’y promène, et des remorqueurs y traînent des péniches chargées de pierres meulières extraites d’une côte prochaine. Tout là-bas, par delà le golfe, se dresse dans un rose violâtre, pudique et froid, le mont Samson. À droite, barrant l’entrée du port, on voit deux îles toutes roses sous le soleil incliné ; au loin, c’est la mer calme, où des voiles semblent endormies. Une ceinture de collines