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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin.


L’épreuve que traverse en ce moment l’Angleterre a fait naître dans le monde entier une émotion respectueuse et sincère. Nous nous associons à la douleur d’un peuple qui a quelquefois des manières de penser et de sentir différentes des nôtres, mais dans lequel, aujourd’hui, l’humanité elle-même est frappée. Après le règne si long, si heureux, si prospère de la reine Victoria, il semblait que tout dût réussir à nos voisins. La fortune elle-même s’était en quelque sorte chargée d’arranger leurs affaires. Ils étaient habitués à ce que tout leur réussit. Le malheur qui les atteint les fait rentrer dans les conditions communes, c’est-à-dire participer à la souffrance universelle, et dès lors on s’émeut de ce qui les touche, on prend part à ce qui les afflige, on souhaite ardemment que le roi Edouard VII sorte vivant de la crise qu’il subit.

Le roi Edouard VII a laissé, partout où il est passé lorsqu’il était prince de Galles, le souvenir d’un homme qui sans doute aimait le plaisir, mais qui ne lui sacrifiait jamais le devoir, bienveillant d’ailleurs, aimable, parlant avec bonne grâce et avec tact, et doué de ces qualités de bon sens dont sa mère a été le parfait modèle. Tout dans sa personne donnait à croire qu’il serait un souverain constitutionnel accompli. Le sentiment qu’il inspirait aux Anglais était la confiance, et les étrangers le partageaient avec eux. On a dit beaucoup qu’il avait été pour quelque chose dans le rétablissement de la paix au Sud de l’Afrique. Aussi les fêtes de son couronnement, sur lesquelles ne pesait plus aucune ombre funeste, s’annonçaient elles comme devant être, non seulement brillantes, mais heureuses. Nous sommes déshabitués des fêtes de ce genre : elles parlent peu à notre imagination, à nous dont le loyalisme s’applique à des institutions au lieu de