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le Sénat discute la réduction du service militaire à deux ans. Du travail de la Chambre, nous ne dirons rien encore : il n’est pas assez avancé pour qu’on puisse le juger. Quant au Sénat, la proposition de loi qui lui est soumise est certainement la plus grave sur laquelle dans les circonstances présentes, il puisse avoir à se prononcer.

Elle lui a été soumise, par qui ? Par un de ses membres, M. Rolland, homme studieux et appliqué sans doute, animé de bonnes intentions certainement, mais que rien dans son passé n’avait préparé à la tâche qu’il a affrontée, ni à la responsabilité qu’il a assumée sans frémir. M. Rolland est médecin. S’il y a une réforme dont il conviendrait de laisser l’initiative au gouvernement, à coup sûr, c’est celle qu’il a entreprise. On entend dire assez souvent, à propos de lois d’un intérêt subalterne si on les compare à la loi organique de l’armée, que le gouvernement seul est en mesure de les proposer au Parlement. N’est-ce pas ce qu’on a dit, par exemple, de l’amnistie, et nous avouons n’avoir jamais compris pourquoi ? Est-ce que tout député ou tout sénateur n’a pas le moyen de se renseigner sur l’apaisement des esprits et le droit de suggérer une mesure en vue de le rendre complet et définitif ? Néanmoins, on les leur conteste, on les leur refuse. Mais, quand il ne s’agit que de l’armée, c’est autre chose : on reconnaît à chacun d’eux toutes les lumières et, surtout, toute l’autorité nécessaire pour proposer, à titre individuel, la revision de ses lois fondamentales. Tout le monde a trouvé légitime et naturel que M. Rolland déposât un projet de réduction à deux ans de la durée du service militaire. On a pris tout de suite ce projet très au sérieux, et un grand mouvement s’est produit dans l’opinion en sa faveur, mouvement qui aurait été encore plus grand, cela va sans dire, si le service militaire avait été réduit à un an, et surtout s’il avait été complètement supprimé. Cela se passait avant les élections et, comme il fallait s’y attendre, a influé sur elles. Les candidats ont promis aux électeurs l’allégement du service militaire, et ils se regardent comme obligés maintenant à tenir leur promesse, ou du moins à faire un effort pour cela. Quelle a été l’attitude du dernier ministère relativement à cette question redoutable, qu’on peut sans exagérer appeler une question de vie ou de mort pour le pays ? M. le général de Galliffet, dans une lettre qu’il a récemment adressée au Journal des Débats, a raconté que, pendant qu’il était ministre de la Guerre, il avait pris sur lui, le gouvernement n’en ayant pas délibéré, de montrer à la commission de l’armée de la Chambre des députés les graves inconvéniens d’une réforme dont il était l’adversaire. Il ajoutait