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pour défendre leur amendement ? Alléger la charge qui pèsera sur la misère, et qui sera écrasante pour elle. Les jeunes gens appartenant à des familles riches ou aisées éprouveront une gêne plus ou moins grande par suite des deux ans de service qui leur seront imposés, mais en somme rien qu’une gêne, tandis que les jeunes gens de familles pauvres et privées de leur chef éprouveront une vraie souffrance, que leur famille partagera avec eux. Aussi avons-nous non seulement la conviction profonde, mais la certitude que ces dispenses seront rétablies, et cela deviendra même un facile moyen de popularité que d’en promettre le rétablissement. On recommencera la campagne qu’on a faite contre le service de trois ans avec des argumens beaucoup plus forts. Il ne sera que trop aisé de prouver qu’on a trompé le pays, car on l’a trompé, en effet, en lui promettant le service de deux ans sans lui dire ce qu’il devait être. Le pays a compris que ceux qui font aujourd’hui trois ans n’en feraient plus que deux, mais que la situation des autres ne serait en rien modifiée. Elle l’est au contraire, et dans des conditions telles que les charges générales du service militaire en seront cruellement aggravées. La loi nouvelle résout le problème d’affaiblir l’armée, en imposant au pays un fardeau plus lourd. Dès qu’elle sera appliquée, si elle l’est jamais, la protestation sera unanime, et on ne résistera pas plus aux injonctions futures du suffrage universel qu’on n’a résisté aux anciennes. Les dispenses reparaîtront, nous sommes bien tranquilles à cet égard ; mais nous n’aurons plus d’armée.

La courte session qui s’achève nous laisse donc les plus pénibles inquiétudes pour l’avenir. Assurément la loi militaire n’est pas encore votée ; elle ne le sera même pas d’une manière définitive avant longtemps. Nous aurons à y revenir. Elle sera étudiée ici même dans son principe, dans ses détails, dans ses conséquences. Il est possible que le pays repousse le funeste cadeau qu’on veut lui faire, lorsqu’il en aura mieux compris le caractère et les inconvéniens. En attendant, les Chambres font bien d’aller prendre quelque repos, car elles auront besoin de toute leur activité et de toutes leurs forces pour la session d’automne qu’on nous annonce. Refaire le système fiscal et l’organisation militaire de la France en quelques mois, c’est une tâche écrasante. Mais peut-être se contentera-t-on de défaire.


Le renouvellement de la Triple Alliance est aujourd’hui un fait acquis. Depuis quelque temps déjà, il ne faisait pas de doute : on se se demandait seulement dans quelles conditions il s’accomplirait.