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qui l’avaient fait entrer dans la Triple Alliance, pouvait en avoir conservé quelques autres d’y rester. Tel est le sens de ses déclarations, si ce n’en est pas le texte précis. Il a ajouté que « nul ne saurait avoir la prétention de connaître les intérêts de l’Italie mieux qu’elle-même, et moins encore de lui tracer la ligne de conduite que ces intérêts peuvent paraître lui commander. » Rien n’est plus certain. L’Italie est maîtresse de diriger sa politique comme il lui convient : toutefois la manière dont elle la dirige peut avoir quelque influence sur la nôtre à son égard, et c’est précisément sur ce point que portait la question de M. Chastenet. Il s’agissait de savoir, en somme, si l’adhésion renouvelée de l’Italie à la Triple Alliance ne pouvait pas, dans telle ou telle éventualité, constituer pour nous un danger. Ici, nous citons textuellement M. Delcassé. « Notre préoccupation, a-t-il dit, était naturelle : je me hâte d’ajouter qu’elle n’a pas été de longue durée, le gouvernement du roi ayant pris soin lui-même d’éclairer et de préciser la situation. Et les déclarations qui nous ont été ainsi faites nous ont permis d’acquérir la certitude que la politique de l’Italie, par suite de ses alliances, n’est dirigée ni directement, ni indirectement contre la France ; qu’elle ne saurait, en aucun cas, comporter une menace pour nous, pas plus sous une forme politique que par des protocoles ou des stipulations militaires internationales ; et qu’en aucun cas, et sous aucune forme, l’Italie ne peut devenir ni l’instrument, ni l’auxiliaire d’une agression contre notre pays. »

Tous les termes de cette déclaration ont dû être soigneusement pesés, et sans doute. Ils s sont rassurans, bien que le mot d’agression puisse laisser quelque vague dans la pensée. Même auparavant, il n’est pas probable que l’Italie se soit engagée à être l’instrument ou l’auxiliaire d’une agression contre nous. C’est au surplus une vérité banale qu’il n’est pas toujours facile de décider quel est l’agresseur quand la guerre éclate ; et, en fin de compte, il y avait autrefois, et il doit y avoir encore aujourd’hui des hypothèses où le casus fœderis, c’est-à-dire l’obligation de marcher, s’impose à l’Italie contre un adversaire qui n’est pas nommé : sans quoi l’alliance n’aurait aucun objet. On nous donne à entendre que c’est contre l’Autriche que l’Italie a pris des précautions et des garanties en s’alliant à elle et à l’Allemagne. C’est possible : nous aimons mieux toutefois ne pas trop creuser cette explication. Ce qui nous paraît plus sûr que tout le reste, c’est que l’opinion publique s’est modifiée en France et en Italie sous des influences heureuses et que la politique des deux pays s’en est ressentie. Pendant plusieurs années, l’Italie a donné pour but principal