à sa participation à la Triple Alliance les bénéfices qu’elle pourrait retirer d’une guerre contre la France, et M. Crispi a fait tout ce qu’il a pu pour déchaîner cette guerre dont on ne voulait pas à Berlin. Aujourd’hui, il n’en est plus de même. L’Italie, — et nous parlons à la fois de la nation et du gouvernement, — ne veut plus que la paix et de bons rapports avec nous, et c’est un changement dont on ne saurait méconnaître l’importance. Nous espérons, avec M. Delcassé, qu’il en résultera des « conséquences fécondes, » et nous ne négligerons rien pour cela.
On a aussi voulu voir un symptôme d’une orientation politique nouvelle dans le fait que le roi Victor-Emmanuel est sur le point d’aller faire une visite à Saint-Pétersbourg et qu’il ne passe pas par Vienne. Les résultats de son voyage à Saint-Pétersbourg ne peuvent qu’être excellens. Toutefois, s’il ne va pas à Vienne, il doit y avoir à cette abstention un motif qui indique plutôt une situation gênée que tendue entre l’Italie et l’Autriche. Le roi Humbert et la reine Marguerite sont allés faire, en 1881, à l’empereur François-Joseph une visite que celui-ci ne leur a jamais rendue, des scrupules religieux l’empêchant, dit-on, de venir à Rome, et les souverains italiens ne voulant pas le recevoir ailleurs que dans leur capitale. L’obstacle est sans doute le même aujourd’hui, et on comprend que Victor-Emmanuel III ne veuille pas renouveler un incident qui est resté pénible à l’Italie jusqu’à ce qu’on ait trouvé, et on la trouvera sans doute, une combinaison qui permette de tout concilier. Il va donc à Saint-Pétersbourg, où il sera reçu en ami. Il y respirera une atmosphère bienveillante et pacifique, car l’alliance franco-russe reste malgré tout, en Europe, la meilleure garantie de la paix.
FRANCIS CHARMES.
Le Directeur-gérant
F. BRUNETIERE.