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devant moi, un monsieur s’accroupit et essaie de marcher en rampant, je suis précipité sur le mur, où j’irais m’écraser, si je n’avais encore la chance de saisir à deux mains le rebord d’une de ces grandes cuves pleines d’eau, disposées d’avance en cas d’incendie. Je me demande décidément si j’arriverai jamais à la porte de l’arsenal… Mais voici du secours, un grand gaillard de deuxième maître s’approche, courbant le dos : « Capitaine, me dit-il, voulez-vous prendre mon bras ? A nous deux, nous nous en tirerons peut-être… — Bien volontiers, ma foi !… »

Nous partons, profitant d’une accalmie entre deux rafales : mais tout à coup, devant le magasin général, une voix nous crie : « Arrêtez ! ne passez pas ici : la toiture de la cale s’en va !… » Ah ! bien !… Il ne manquait plus que ça !… En effet, les tuiles, les ardoises pleuvent… Par où passer, maintenant ? — Et la réflexion me vient qu’après tout, on courrait moins de danger sur le pont du Fontenoy, en rade, au large même, qu’ici, dans cet arsenal, les deux pieds sur la terre ferme. Un bâtiment solide, pourvu de tous ses moyens d’action n’a pas grand’chose à craindre du plus mauvais temps que l’on puisse imaginer… Et c’est sans doute ce qui faisait dire au fameux Fabrégas, le patron marseillais, les jours de grand mistral : « Hé ! Bouno Mèro ! Protège le pauvre marin qu’il est à terre… Celui qu’il est à la mer, il se débrouille ! »

24 janvier. — Allons ! qui est-ce qui se charge de chemiser nos cylindres d’escarbilleurs ? Sera-ce le service des constructions navales ou le « groupe flotte ? »… Théoriquement ce devrait être le groupe flotte, car, enfin, il ne s’agit là que d’une réparation courante… Hé ! hé ! courante,… pas précisément, et qui pourra tracer exactement, une bonne fois, la limite des réparations courantes et celle des grosses réparations ? — Il importe peu dans le cas actuel, puisque le groupe flotte déclare à l’instant qu’il n’est pas en mesure d’exécuter le travail et qu’il passe la main aux constructions navales. Cela arrive souvent : le pauvre groupe flotte n’a jamais pu obtenir le personnel et l’outillage indispensables pour s’acquitter de son rôle, assez modeste pourtant. On voulait, en l’organisant, utiliser, sous la direction d’officiers de marine assistés d’officiers mécaniciens, la main-d’œuvre militaire fournie soit par le dépôt, soit par les noyaux d’équipages des bâtimens en réserve. Mais c’étaient là des élémens bien instables !… On ne voulait pas, d’autre part, se