trouva aucune pièce remontant plus haut que le XIe siècle. Pourquoi ? Parce que vers la fin du IXe siècle, la plupart des Bretons d’Armorique, pour échapper au fléau des invasions normandes, quittèrent leur pays et se réfugièrent en Angleterre et surtout en France. À ce moment les prêtres et les moines emportèrent avec eux dans leur exode non seulement les reliques des saints, les vases et les ornemens sacrés, mais les livres de liturgie et les manuscrits que possédaient les églises et les abbayes ; et c’est ainsi que le plus ancien manuscrit né sur notre sol et qui y soit resté, date de l’année 1047. C’est le cartulaire de Landevenec dont l’original est aujourd’hui à la bibliothèque de Quimper. Les manuscrits bretons des IXe et Xe siècles sont partout, sauf en Bretagne[1], et quant à ceux que Dom Lobineau et les bénédictins d’Armorique copièrent au XVIIe siècle, ils ne sauraient, quelque précieux qu’ils soient, combler l’énorme lacune de nos archives provinciales.
On me dira que M. de la Borderie n’en a que plus de mérite pour avoir, sans le secours de la langue et de tous ces documens celtiques, entrepris et mené à bonne fin l’Histoire de Bretagne, Sans doute, et ce n’est pas moi qui lui marchanderai les éloges, mais on va voir à quels moyens il dut recourir pour suppléer à ce qui lui manquait et à quel labeur il dut se soumettre pour venir à bout de sa tâche.
Quand il sortit de l’Ecole des Chartes (1853), le mouvement intellectuel était à peu près nul en Bretagne. Il y avait bien encore dans les grandes villes comme Nantes et Rennes et çà et là, dans les campagnes, quelques bibliophiles et archéologues, mais aucune organisation, aucun groupement en dehors de l’Association bretonne dont il était un des secrétaires depuis 1846 et que l’Empire devait supprimer quelques années après. Tous ceux qui tenaient une plume vivaient à Paris, et chacun sait qu’il était assez difficile de s’en servir depuis le coup d’État. Les journaux qui pour la plupart étaient hostiles au nouveau régime se contentaient, et pour cause, d’enregistrer les nouvelles politiques
- ↑ Il existe à Tongres, près de Liège, un Évangéliaire qui doit remonter au Xe siècle ; d’après l’inscription qu’il porte, il a été donné au monastère de Saint-Bern, dans l’évêché de Saint-Machut ; l’évêché est évidemment celui d’Aleth ou Saint-Malo, et bien qu’on ne sache où placer l’abbaye de Saint-Bern, il est néanmoins certain que le manuscrit a une origine bretonne. C’est le seul manuscrit breton de cette époque, orné de peintures, que l’on puisse citer. (Résumé du Cours d’Histoire de Bretagne, t. I, p. 46.)