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qui obligeaient jadis l’ouvrier mineur à travailler à moitié nu ne se rencontrent plus qu’exceptionnellement aux avancemens, dans les mines profondes, jusqu’au moment où la circulation de l’air aura été assurée par le percement en préparation. Partout ailleurs, l’ouvrier mineur travaille au milieu d’un air sans cesse renouvelé et à température constante[1]. Ces conditions justifient l’amour du travail souterrain qui se transmet de père en fils dans les familles de mineurs ; la répugnance qu’a le mineur à abandonner le travail du fond pour se porter vers un autre métier ; l’empressement avec lequel le jeune ouvrier reprend le pic dès qu’il rentre du service militaire. »

Ce sont de bien grosses affirmations condensées dans un bien grand mot : l’amour héréditaire du travail souterrain ; mais, qu’il y ait du père au fils aptitude ou habitude transmise, hérédité ou nécessité, nous avons nous-même noté cet attachement invincible du mineur à la mine, ce rappel irrésistible de la mine au mineur. Ce n’est pas un fait nouveau ; c’est, au contraire, un fait aussi ancien que l’art et le travail des mines. Au commencement du XVIIe siècle, dans sa Gazette française de 1605, Marcellin Allard, décrivant l’aspect de Saint-Étienne, s’écriait : « En cette région de taupes, la population est tellement accoutumée qu’elle se plaît à cette obscurité et méprise la lumière céleste. »

Cependant, par la bouche de M. Cotte, secrétaire général de la Fédération nationale des mineurs, les syndicats ouvriers s’expriment tout différemment. « Si l’on en croit, lui font-ils dire, le rapport du Comité des houillères de France, en réponse au questionnaire de la Commission de la durée du travail, la mine serait une espèce d’Éden où les heureux élus appelés à y travailler seraient mieux là que l’ouvrier métallurgiste à l’atelier, l’agriculteur à sa charrue, le menuisier à son établi, et, pour un peu, ils seraient aussi bien que le rentier lui-même dans son salon, à l’abri du vent, de la pluie, du froid, etc., etc., etc. Et pourtant, qui donc n’a pas encore présentes à la mémoire les grillades mémorables qui désolèrent et semèrent le deuil et la désolation dans la Loire, où la grande mangeuse d’hommes se

  1. Nous reviendrons plus longuement sur l’état sanitaire des mines, lorsque nous traiterons des Maladies du travail. Mais signalons dès maintenant les études bien connues du Dr J. Oberthur, et le curieux chapitre sur « l’Ankylostomiase des mineurs, » dans le livre de M. Émile Duclaux : l’Hygiène sociale (Bibliothèque générale des sciences sociales) ; 1 vol. in-8o, 1902 ; F. Alcan.