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la Folie de Rousseau[1]. Le nouveau livre de M. Mœbius, Sur l’Art et les Artistes, n’est en effet qu’une réédition, annotée et abondamment commentée, des quelques chapitres des Fonctions du Cerveau où Gall traite des fonctions artistiques et des « bosses » frontales qui y correspondent. Après quoi je me hâte d’ajouter que les notes et les commentaires, dans la réédition, suffisent pour donner à ces chapitres une portée nouvelle. M. Mœbius part du même principe que Gall, et aboutit souvent aux mêmes conclusions ; mais sans cesse, chemin faisant, il substitue aux argumens de son devancier une argumentation personnelle, plus serrée, plus autorisée, plus conforme aux dernières « conquêtes » de la science moderne.

Il nous apprend d’abord que celle-ci, à un siècle de distance, est aujourd’hui en train de redécouvrir bon nombre de faits qui se trouvent exposés tout au long dans les œuvres de Gall et de son école. En 1895 et en 1899, deux médecins allemands, les docteurs Edgren et Probst, ont établi que le sens musical était bien un sens distinct, différent de l’ouïe, qu’il avait sa localisation dans un endroit spécial du cerveau, et que cet endroit devait se trouver, très probablement, dans la seconde circonvolution frontale. Or, ce sont toutes choses que l’auteur des Fonctions du Cerveau avait affirmées dès le début du siècle passé. Il n’était pas allé, en vérité, aussi loin qu’un médecin français qui, dans une thèse soumise à la Faculté de Bordeaux en 1900, a reconnu et exploré les diverses régions du cerveau correspondant au chant grave et au chant aigu, à la lecture musicale et à l’écriture, au jeu des instrumens à cordes et à celui des instrumens à vent, à la création des images et à celle des idées musicales ; mais, aussi bien, Gall était-il déjà suffisamment en peine de se défendre contre le reproche qu’on lui faisait de spécialiser outre mesure les facultés de l’âme et les fonctions du cerveau. Et, d’une façon générale, ses affirmations touchant « le sens des rapports des tons » s’accordent exactement avec le résultat des plus récentes recherches des physiologistes d’à présent, dont aucun ne paraît même connaître son nom.

M. Mœbius nous cite encore bien d’autres témoignages, non moins remarquables, de cette reviviscence lente, graduelle, pour ainsi dire inconsciente, du système de Gall. Il nous fait voir, par exemple, deux de ces « photographies collectives » qu’on obtient en superposant plusieurs portraits de même attitude et de même format. Des deux photographies, extraites d’un ouvrage dont l’auteur ne s’est certainement

  1. Voyez la Revue du 1er février 1890.