Sur un trémolo qui gronde et ressemble au tonnerre accompagnateur des oracles, la fameuse dissertation, à demi chantée et parlée à demi, se déroule. Elle est à peine achevée qu’une autre gamme siffle et met le finale en train. Le vertige de Sganarelle gagne de proche en proche, la famille de l’ægrotante fait chorus avec le médecin et le mouvement, le rythme, la tonalité claire, l’orchestre, les voix, en un mot tous les élémens ou toutes les forces de la musique, ramassées et « donnant » ensemble, déchaînent et font souffler en tempête un esprit de verve insolente, de satire et de parodie.
Il y a même, dans la comédie musicale, un trait qui manque à l’autre comédie : je veux parler du chœur des fagoliers, qui se trouve une première fois au premier acte et qui termine la pièce, en guise de conclusion ou de moralité. « Nous faisons tous, chantent les braves gens, nous faisons tous ce que nous savons faire. » Et le rythme lourd et le rude unisson disent bien la besogne modeste, grossière peut-être, mais sincèrement, honnêtement accomplie. L’effet m’a toujours paru d’un comique excellent. C’est quelque chose comme la revanche de la réalité sur l’apparence et de la « fagoterie » légitime sur la médecine usurpée. « L’esprit, a dit l’un de nos écrivains, — de ceux encore qui sont bons juges, — l’esprit est la fleur de l’imagination. » Nous avons déjà vu qu’il peut l’être, même en musique, M. Jules Lemaître ajoute : « Il est la fleur du bon sens. » Et voilà justement ce qu’il est ici.
Il peut être la fleur de la fantaisie et de la folie elle-même. Et, dans la musique de Jacques Offenbach, cette fleur, avec éclat, a fleuri. Elle avait, en des poèmes à la fois burlesques et délicats, trouvé le terrain favorable. Il est très vrai, bien que tout le monde l’ait dit, que l’esprit du théâtre de Meilhac et Halévy, de leur opérette au moins, consiste dans la nouvelle et très piquante opposition d’une bouffonnerie débridée avec une sensibilité, une grâce, une poésie enfin contenue et furtive. C’est de cette antithèse que la musique d’Offenbach a singulièrement renforcé l’énergie.
Offenbach ne s’est pas moqué seulement. Et même il est un sentiment que, dans ses opérettes, les paroles peuvent bien railler,