Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L'ÂME STYRIENNE ET SON INTERPRÈTE
PIERRE ROSEGGER

I
LE MILIEU ET L’HOMME


I

A la pointe nord-est de la chaîne des Alpes, là où la puissante muraille rocheuse s’infléchit vers le sud pour s’en aller au loin rejoindre le Balkan slave, se dresse un massif abrupt, qui domine Vienne, et contre les parois duquel vinrent jadis mourir les derniers flots de l’invasion turque. C’est la Marche de Styrie, dominée elle-même par la cime neigeuse du Dachstein, d’où le regard l’embrasse tout entière, et qu’elle considère comme le génie protecteur de ses cantons.

Là, longtemps abritée contre le périlleux contact de la civilisation contemporaine, par la pauvreté du sol et par la rigueur du climat, vit une population originale et pittoresque, analogue sans doute en ses traits principaux à celles du Tyrol et de la Suisse allemande, mais un peu moins entraînée jusqu’ici dans l’orbite vertigineux de la culture moderne. Arrêtons-nous un instant pour donner un coup d’œil d’ensemble au spectacle de ces régions montagneuses. Sur les mamelons formés au débouché des gorges torrentielles par les débris séculaires des avalanches du printemps, qui suivent maintenant d’ordinaire les sillons