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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/513

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l’agent Dossonville et les projets d’assassinat prêtés à Donnadieu : la dénonciation du capitaine Maffran s’y trouvait non moins confirmée. Tout semblait donc accuser Bernadotte : les noms d’Edouard Simon, de Pinoteau, du vaguemestre, ses amis ou ses agens secrets ; sa requête au Consul pour maintenir à Rennes la 82e, et jusqu’à cette provision de quinze cents francs promise au besogneux Chausseblanche. Qui donc, en ces jours où l’argent était rare, aurait pu octroyer pareille largesse ?

Une question, toutefois, devait être posée au révélateur. Comment lui, pauvre hère sans importance politique, avait-il eu connaissance de pareils secrets ? Sa réponse fut péremptoire : « Lorsque Bertrand me présenta les libelles, je refusai d’abord de les composer : j’avais peur. Alors, il me fit connaître les ordres de Paris… » Mais interrogé à son tour le vaguemestre se récria : « Chausseblanche racontait des sornettes ; il mentait. Quinze cents francs, le prix de son impression ? Allons donc ! On lui en avait remis cent vingt. » — « Simple acompte, ripostait le bonhomme… Au surplus, que le préfet me laisse conférer avec mon complice ; je saurai le faire jaser. »

Mounier se passionnait à présent pour cette affaire ; peut-être allait-il l’éclaircir, quand brusquement il dut interrompre son enquête. Fouché lui ordonnait derechef d’expédier à Paris les deux détenus, et, bien à contre-cœur, le préfet obéit… Mais tandis que, livrant le secret de l’intrigue, le maupiteux Chausseblanche accusait Bernadotte, des cris de : A bas Bonaparte ! éveillaient, à Rennes, le silence consterné de la ville, et emplissaient de mutinerie la caserne de Saint-Cyr.


XXI. — LA MORT D’UN RÉGIMENT

Le samedi, 7 messidor, vers les cinq heures du soir, un courrier apporta au général Delaborde un arrêté consulaire à faire exécuter sur-le-champ. Quatre demi-brigades, — une division entière, — tenant garnison à Rennes ou dans les alentours, devaient sans retard évacuer la Bretagne. Bonaparte dispersait au loin les derniers débris de l’armée jacobine, et, visée spécialement, la 82e allait être dirigée sur Brest. Selon toute apparence, elle n’y séjournerait pas longtemps. Les plus rigoureuses mesures étaient prescrites contre ce régiment, pour « y prévenir la désertion et réprimer l’indiscipline : » départ dans les