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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/62

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aquarelle de six pieds de haut, que j’ai prise de très bonne foi pour une copie d’après Van Dyck. La princesse Julie est toujours partagée entre Renan et son abbé. Il est à croire que L’Homme qui rit est arrivé à Rio de Janeiro. Lisez-le si vous pouvez. De ce côté du charco, la chose est trop difficile. Les mœurs sont toujours fort légères, et on est toujours très dévot. On m’assure que Sa Sainteté a des inquiétudes sur son concile, et qu’il s’aperçoit d’une infinité d’inconvéniens auxquels il n’avait pas pensé. Ici on craint qu’il ne fasse delle grosse, ce qui pourrait nous donner de l’embarras. Adieu, cher monsieur, je vous remercie de votre bon souvenir et vous serre la main bien cordialement.


Paris, 12 septembre 1869.

Cher Monsieur,

Certainement, je serais très heureux et très fier d’avoir un arc envoyé par Sa Majesté l’Empereur du Brésil, mais serai-je assez fort pour le bander ? J’avais lare d’un roi des Taïping, qui avait eu le malheur d’avoir le cou coupé. Avant ma maladie, je le bandais à grand’peine, à présent plus du tout. Vous savez probablement que je ne suis pas mort[1] Je ne suis pas trop vaillant encore, et c’est toujours pour moi un assez grand travail que de respirer. Cependant je vais partir pour Cannes, et, si le soleil me vient en aide, j’espère voir encore un hiver. Nous faisons de drôles de choses depuis votre départ. Les bourgeois qui réclamaient la liberté de la presse commencent à trouver qu’on a donné trop bonne mesure. Il me semble que le monstre, depuis qu’on l’a déchaîné, a perdu quelque peu de son prestige et jusqu’à présent, les effets de la licence ont tourné surtout à la confusion de la langue française, encore plus martyrisée que dans le bon temps du despotisme. Bref, on est devenu un peu plus bête depuis que vous nous avez quittés. L’Empereur a eu des hémorroïdes, si j’ose m’exprimer ainsi. Cela a produit des fluctuations de bourse incroyables et les gens d’argent passaient leurs journées à espionner les médecins et les apothicaires. Il n’y a jamais eu de danger, et maintenant l’Empereur est à peu près dans son état naturel, La politique n’a été pour rien dans sa santé. J’ai passé six semaines à Saint-Cloud après le fameux

  1. Le bruit de sa mort avait couru quelques mois auparavant, à la suite d’une crise qui le tint au lit plusieurs semaines.