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Mais, en 1867, le gouvernement impérial, fatigué de la politique coloniale qui lui avait si peu réussi au Mexique et obligé de faire face à l’Allemagne, se décida, afin d’avoir une entière liberté en Europe, à régler les difficultés de détail qui existaient à l’état latent, dans nos possessions d’Asie. Telle fut l’origine de notre premier traité avec la cour de Bangkok.

Par l’article 4, les deux provinces cambodgiennes de Baltam-bang et de Siam-Reap étaient définitivement cédées au Siam, qui (article 6) autorisait les bâtimens sous pavillon français à naviguer librement sur le Mékong et le grand lac Tonly-Sap. C’était l’abandon des droits incontestables du roi Norodom, qui protesta énergiquement. De son côté, le gouverneur de Cochinchine, l’amiral de la Grandière, insista sur les dangers d’une pareille politique, aussi contraire à nos intérêts d’avenir qu’à notre dignité et à notre devoir de suzerain. Tout fut inutile ; la métropole, obéissant à d’autres préoccupations, que les événemens de 1870 allaient malheureusement justifier, passa outre, et le traité fut ratifié le 29 février 1868.

Aucun incident notable ne se produisit jusqu’en 1882 ; quoique voisins, le Siam et la Cochinchine n’entretenaient pas de relations même commerciales ; les conflits inévitables qui se produisaient sur des frontières mal délimitées, entre les autorités locales, se réglaient d’eux-mêmes, sans l’intervention des deux gouvernemens. Mais, à cette époque, le roi Chula-Long-Korn, inquiet des empiétemens des Anglais de Singapore sur la presqu’île malaise, chercha à se rapprocher de nous. A cet effet, une ambassade fut envoyée à Saigon et, le 15 novembre, son chef Phya, Sri-Singa-Thep, signa avec le gouverneur une convention aux termes de laquelle la Cochinchine était chargée de la construction de la ligne télégraphique Bangkok-Battambang-Pnum-Penh.

L’entente amicale qui s’établit entre les deux puissances cessa bientôt ; les Siamois, profitant de nos difficultés au Tonkin, envahirent les provinces occidentales de l’Annam sur la rive gauche du Haut-Mékong. En 1892, leurs troupes s’établirent à Aïn-Lao, à 40 kilomètres de la mer de Chine, faisant le vide derrière elles, capturant les habitans et les cantonnant sur la rive droite du fleuve. La cour de Bangkok fut mise en demeure de retirer ses contingens ; elle le promit et n’en fit rien, cherchant à gagner du temps et à bénéficier du fait accompli. Le garde