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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/776

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pied va devenir offensif. En ce moment, hélas ! il est presque banni. Depuis trente ans, notre cavalerie a-t-elle donc complètement renoncé à l’idée de combattre à pied ? Non, mais cette forme de combat est considérée comme accessoire ; s’y préparer, c’est perdre du temps. Le mépris du combat à pied est un des facteurs de cet état d’esprit spécial, qualifié « d’esprit de l’arme. »

« Nous n’aimons pas le combat à pied, écrit un officier de cavalerie, et cela se conçoit. Devant les fusils inoffensifs de nos ennemis de manœuvres, nous ne descendons pas volontiers de cheval pour nous traîner, lourdement équipés, dans les labours. L’oiseau à qui on vient de couper les ailes doit avoir cette sensation de malaise et de déchéance. »

C’est bien là le mot décisif. Notre cavalerie n’admet pas ce qu’elle croit une déchéance. Elle craint de se voir transformer en infanterie montée, ce à quoi personne ne songe, car celle-ci n’a de raison d’être qu’aux colonies. Elle ne veut pas regarder les larges horizons qui lui sont ouverts par les armes à feu nouvelles.

Est-ce donc que son rôle en serait plus effacé ? Bien au contraire ! Jamais son intervention n’aura été plus puissante. La cavalerie est certainement appelée à prendre une importance qui sera capitale, mais à la condition expresse de changer son mode d’action et ses procédés surannés, comme se sont modifiées les armes et les tactiques.

L’action utile de la cavalerie employée en grandes masses a toujours suivi une progression décroissante. Depuis le commencement du XIXe siècle, les grands chocs de cavalerie contre cavalerie ont été stériles. Certes, il faut admettre que notre cavalerie devra dans certaines circonstances croiser le fer avec l’adversaire, mais elle ne saurait s’y préparer par des évolutions. L’escadron est la plus forte des unités qu’il soit utile de préparer à cet effet, des troupes exaltées et braves auront toujours raison de l’adversaire d’un moral inférieur, si savamment qu’il évolue. 1806 est là pour en donner la preuve. Quant à l’action par le choc contre l’infanterie, elle ne peut dorénavant se produire que par surprise au moyen de groupes de plus en plus restreints. Mais l’action par le feu devient prépondérante.

Dès lors, cette question se pose. Notre cavalerie est-elle dans