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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/807

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Hugues de Gand. Réaliste ? Voici les figures de Ribeira. Ésotériste ? Les anges de Burne-Jones. Décorateur ? Voici Flandrin. Cherche-t-on les antithèses de couleurs par la diversité des carnations ? Une femme jeune, des bergers rudes, des anges frêles et blancs, des vieillards chauves fourniront tous ces contrastes. Veut-on, au contraire, tirer toute la poésie de la valeur et non plus de la couleur ? On peut noyer dans l’ombre toutes les têtes et n’en faire sortir qu’une seule, — comme Rembrandt. On dirait un sujet composé par des artistes et non imposé par une Religion. Un incroyant ne peut même pas objecter ses idées naturalistes. Il peindra une mère en contemplation devant un petit enfant, des voisins venus pour admirer le nouveau-né et apporter des cadeaux, — et il fera, malgré lui, un tableau religieux. Beaucoup des plus grands Maîtres d’autrefois n’en ont pas cherché davantage. Quelles que soient les évolutions de l’art ou du sentiment, il n’y aura jamais, tant que l’humanité vivra, de thème aussi touchant que celui de Noël, car tant que l’humanité voudra vivre, elle aimera à saluer dans la naissance de l’enfant, — qu’il vienne du ciel ou de la terre, — la promesse du renouvellement de la vie.

Aussi, dès que la peinture existe, elle s’empare de l’histoire et de la légende de Noël et les reproduit indéfiniment. Il est des villes comme Florence où le passant qui traverse les Uffizi, l’Académie, le Palais Riccardi, Saint-Marc, Santa Maria Nuova, peut augurer de toute l’Histoire de l’Art italien et flamand tout ensemble, en s’arrêtant devant les seules Adorations des Mages et les Nativités. Il est d’autres villes, comme Londres, où quand on a vu ce même sujet traité par les Piero délia Francesca, les Luca Signorelli, les Filippino Lippi, les Botticelli, les Véronèse, on a respiré ce que l’atmosphère des musées contient de plus subtil ; d’autres encore, comme Dresde, où le chef-d’œuvre de la galerie est ce que sur ce sujet un Corrège a imaginé.

Enfin, l’examen des Nativités a un autre intérêt. Nulle part, ailleurs, on ne peut si aisément suivre l’évolution de la technique et du sentiment. Si diverses qu’elles soient d’inspiration, d’ordonnance, de pâte, elles se peuvent comparer d’autant mieux que leur sujet est le plus nettement circonstancié qui soit au monde et le plus parfaitement défini. Dès les IVe et Ve siècles, le cadre de la Nativité est construit : il est admis qu’elle s’est passée dans une grotte ou une caverne creusée dans le roc, les personnages