ne peuvent passer pour une hallucination. Chez ces peintres du XVe siècle, le surnaturel a tous les attributs de la réalité.
A la Renaissance, les anges conservent leur forme robuste, mais ils ne remplissent plus un rôle aussi purement humain que ceux du moyen âge et le nuage qui les enveloppe, sans les dissimuler à notre vue, nous permet cependant de les considérer comme un phénomène violent et fortuit. Fantaisies d’anatomiste, prétextes à raccourcis audacieux, ils passent et repassent, froissant leurs plumes aux madriers ou aux chapiteaux de la toiture en ruines, se suspendant selon les mille aspérités imprévues des portiques et des corbeaux de pierre, comme des nuées apportées par un vent d’orage et qu’un autre souffle va peut-être emporter.
Le souffle du positivisme les a chassés en effet. Au XIXe siècle, dans les tableaux de la Nativité, les anges n’apparaissent plus, ou bien ils apparaissent dans une éclatante lumière, incorporels, d’une substance brouillée et mêlée avec tous les objets qui les entourent, diaphanes, transparens, comme dans les Voix fameuses de la Jeanne d’Arc de Bastien Lepage. Ce surnaturel a quelque chose de subjectif. C’est une vision sur les confins de l’hallucination.
En même temps, disparaît et s’efface la lumière surnaturelle qui enveloppait les têtes du groupe divin. Les byzantins et les primitifs jusqu’au XIVe siècle fabriquaient des auréoles énormes, visibles même en plein jour, solides et brillantes comme des armets d’or, lourdes comme des casques de scaphandriers. Peu à peu, cette gloire solide s’efface. Ce diadème s’amincit progressivement, comme une bague qui s’use jusqu’à ne plus laisser dans l’air qu’un cercle, un fil d’or. Ce cercle lui-même fond tout à fait, tandis que, timidement, naît autour des saints une phosphorescence, une lueur tremblotante, incertaine, assez semblable aux irradiations fluidiques que les photographes croient saisir autour des têtes de personnes impressionnées par un vif mouvement d’affection, de tristesse ou de colère, et qu’ils nomment des auras. On sent le peintre gêné par l’affirmation d’une coiffure surnaturelle qu’il n’a jamais vue et par l’introduction brutale d’un accessoire irréel au plus bel endroit d’une scène justement attachante par sa réalité. Mais, en même temps que l’esprit réaliste grandissait en lui, voici que croissait aussi l’habileté technique et qu’il pénétrait les secrets du clair-obscur. Dès lors