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parler ni d’Homère, ni d’Hésiode, ni d’Alcée, ni de Sapho, ni de Pindare. Est-ce de la littérature grecque que nous nous occupons ? Alors Chéronée n’est pas une date d’histoire littéraire. La littérature grecque et la pensée grecque existaient avant et ont existé après, quelques siècles après, je crois, et l’on ne sait pourquoi nous nous arrêtons ici plutôt qu’ailleurs.

— Mais je m’arrête où je veux. — Mon Dieu, oui, si vous n’êtes pas théoricien ; mais vous l’êtes, à ne pas souhaiter que vous le soyez davantage ; or, vos théories ont leur application, leur épreuve et leur contrôle, non seulement autant dans la période qui suit Chéronée que dans la précédente, mais plus encore. C’est dans la période qui suit Chéronée que vous trouverez de nouvelles différenciations de genres, de nouvelles subdivisions de genres, de nouveaux entre-croisemens de genres et de nouvelles (car il y en a déjà eu) reconstitutions de genres en leurs formes primitives. Rien donc, plus que ce volume, ne fait désirer que vous en fassiez un second, et regretter qu’il ne soit pas fait, et trouver arbitraire la date où le premier s’arrête.

Je veux bien que vous ne poussiez pas jusqu’aux Byzantins, ni ne crois, en conscience, que vos théories vous obligeassent à pousser jusque-là. Mais la littérature alexandrine fait partie de la littérature grecque et du développement de la pensée grecque à titre étroit, même pour qui ne traiterait que de la pensée attique, et à plus forte raison pour quiconque ne réduit pas la littérature grecque à la littérature athénienne. La littérature athénienne finit à Chéronée ou à peu près ; oui, parce que la littérature athénienne était avant tout une littérature de peuple libre et de peuple démocratique, en prenant ce mot dans le sens qu’il avait en Grèce où il ne pouvait signifier populaire, puisque, le peuple, c’étaient les esclaves ; oui, parce que la littérature athénienne était pénétrée de vie publique ; oui, parce que théâtre, éloquence et même littérature philosophique, à Athènes, sont littérature de plein air et vivant des échos de la Pnyx, de l’Agora et de la rue.

Mais la littérature grecque est autre chose ; la littérature grecque avec les Homère, les Hésiode, les Alcée, les Pindare, les Aristote et tous les non-Athéniens, est une littérature qui, sans répugner à la vie publique, n’a pas absolument besoin d’elle pour exister, et Chéronée venue, et Athènes tombée, elle continue.