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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/182

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Elle continue, moins brillante et moins sublime, parce qu’on n’est pas sublime pendant six siècles de suite ; mais très considérable, très curieuse, très distinguée, très originale encore et très vivante. On en a fini sans doute avec la manie de considérer les Alexandrins comme des imitateurs. J’entrevois que M. Ouvré lui-même ne les désignerait pas ainsi brutalement et sans réserve. Imitateurs, ils le sont, mais ils sont aussi autre chose. Ils sont inventeurs et reconstructeurs. Ils sont inventeurs par leur façon nouvelle de sentir, avec Théocrite, avec Callimaque, même avec Philetas. Ils sont reconstructeurs par cet art, que j’ai indiqué déjà plusieurs fois dans cet article, de revivre l’esprit ancien de manière à retrouver en leur complexité première les anciens genres non encore subdivisés, différenciés et exténués par leur différenciation extrême. Ils font des élégies qui sont des hymnes homériques, et, si c’étaient de simples contrefaçons cela ne compterait pas, mais cela compte parce qu’elles sont charmantes, exactement comme Aymerillot compte parce qu’il est plein de talent. Théocrite publie ses idylles, « saynètes dramatiques, épiques parfois, lyriques aussi, » dont M. Ouvré le blâme, et dont je le loue, parce que c’est briser les cadres trop rigoureux des genres, et pour beaucoup mieux dire, revenir à la richesse et à la copia et à la libre et souple compréhensivité des genres primitifs. Callimaque fait des « élégies sentimentales et narratives. » Il ne saurait mieux faire pour ressembler aux plus anciens poètes grecs et pour renouveler l’invention qui menaçait de s’éteindre. D’autres enseignent, froidement je le reconnais, mais avec un souci d’intéresser toute l’âme à ce qu’ils enseignent, comme faisait Hésiode. D’autres spéculent avec trop de subtilité et d’imagination, c’est mon avis, mais avec une hardiesse, une originalité et une puissance que Ion ne saurait nier, et l’on ne sait pas Platon, on ne sait pas ce qu’il contenait, si l’on n’a pas une idée, au moins, de la Philosophie d’Alexandrie.

— Mais comme tout cela est en surface ! Les Grecs d’Alexandrie et d’ailleurs n’ont pas « pénétré » les peuples vaincus. Rationnelle et artistique, la domination grecque n’eut jamais les vertus assimilatrices de la conquête romaine, qui fut administrative, et surtout de la conquête arabe.

— Remarque très juste et aussi très précieuse ; mais, au point de vue de l’histoire littéraire, peu importante. Sans doute les littératures grecques, à partir du IIIe siècle avant Jésus-Christ,