critiquer ce texte étrange. Regrettable sur la frontière du Tell, le traité était inexécutable sur les Hauts-Plateaux. Des tribus attribuées au sultan étaient incontestablement algériennes. Les Amour, classés comme Marocains, ont leurs magasins de provisions et leurs jardins dans des ksour désignés comme algériens. Sans conséquence tant que les Français n’eurent pas pénétré dans le pays, ces erreurs et ces omissions devinrent la source d’innombrables incidens dès qu’ils y furent installés. La meilleure politique eût consisté à châtier nous-mêmes, sur place, les auteurs d’agressions ou de razzias dont nos indigènes étaient à chaque instant victimes : au lieu de le faire, les autorités algériennes prirent l’habitude d’assaillir le gouvernement marocain, par l’intermédiaire de nos représentans à Tanger, de réclamations incessantes auxquelles il ne manquait jamais de répondre en alléguant son impuissance et le peu d’autorité réelle qu’il exerçait sur ces tribus excentriques. De fait, l’excuse était bonne ; mais nous insistions et le Maghzen, à la fin, payait une indemnité ; si bien que le sultan finit par apprendre de nous à tirer parti du traité de 1845, pour rendre effective la suzeraineté, assez vague, qu’il avait exercée jusque-là sur les tribus des régions frontières. C’est ainsi que, par une conception maladroite de notre politique africaine, nous avons fini par élever contre nous-mêmes des obstacles qu’il nous a fallu, plus tard, renverser à grand’peine ou qui gênent encore notre action dans le Sud-oranais.
Vues de Tanger, par nos diplomates, ou vues d’Algérie, par nos officiers ou nos administrateurs, les questions soulevées par l’interprétation du traité de 1845 dans le Sud-oranais changeaient d’aspect ; du ministère de l’Intérieur à celui des Affaires étrangères, les avis différaient profondément sur la meilleure manière de les résoudre. La plupart des généraux qui successivement commandèrent la division d’Oran et des gouverneurs de l’Algérie eux-mêmes, préoccupés de maintenir l’ordre et la tranquillité dans les cercles de Sebdou et d’Aïn-Sefra, insistèrent pour qu’une frontière définitive fût tracée de Teniet-es-Sassi aux environs de Figuig, et pour que l’on procédât à une nouvelle répartition des tribus. Dès 1849, à propos des Ouled-sidi-Gheikh-Gheraba, les autorités algériennes demandèrent que cette délimitation fût faite sans tarder. Mais comment, dans ces pays où « la terre ne se laboure pas, » où les tribus parcourent d’immenses espaces pour