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Quel rêve de carnaval
Ou quelle aventure
Les reflète en ce canal
Tant que la nuit dure ?

Sont-ils, sortant d’un tableau
Où Longhi les groupe,
Venus dans ce miroir d’eau
Remirer leur troupe ?

Beaux masques, je vous connais !
Que votre âme est triste !
C’est en vous que pour jamais
Le passé persiste.

N’êtes-vous pas, répondez !
Nos bonheurs sans nombre
Par le souvenir fardés ?
Et ce satin sombre

En vain sous ses vastes plis
Vous cache et nous leurre,
Vous êtes, dans nos oublis,
Les plaisirs de l’heure.

… Mais, effaçant peu à peu
De ces silhouettes,
Sur le pavé pâle et bleu,
Les ombres moins nettes,

La nuit va, se retirant
De la mascarade,
Oter comme un masque blanc
Sa lune de jade.

Pour vous, spectres, il est tard !
Un archet qui rêve
Vous joue un air de Mozart…
Et le jour se lève !