Lointain, soupire, meurt, puis reprend et s’achève,
Long sanglot dont se plaint la volupté trop brève.
Sombre soir ! où palpite encor plus que le jour
Le cœur double et souffrant d’un invincible amour !
L’air de la nuit est lourd des vieilles destinées…
… Les ombres sur le sol semblent assassinées.
Etes-vous effilés par la Parque aux doigts d’ombre,
Cyprès funèbres ? Vous, mystérieux fuseaux,
Qui d’un jeune destin amoureusement sombre
Enrouliez à vos flancs les fils, en fleurs sans nombre,
Des rosiers qu’ont coupés d’invisibles ciseaux.
Les roses ne parfument plus vos longues pointes
Que fixait dans les cœurs un inflexible sort ;
Mais votre arôme amer, irrésistible et fort,
Est toujours celui-là qui sur les lèvres jointes
Mêlait au pâle amour l’âpre goût de la mort.
Vous fûtes du poignard la lame aiguë et noire,
Votre ombre a pris parfois la forme de l’amant ;
Et c’est vous qu’Elle vit, alors qu’Elle dut boire
Votre philtre, en la coupe où sombra sa mémoire !
Gardez-vous cette tombe assez fidèlement ?
Leur illustre tristesse est leur seule couronne.
Et c’est en vain qu’on montre au passant incertain
L’auge qui fut jadis quelque cercueil latin,
Puisqu’ils dorment ici, tes Amans, ô Vérone !
Sous ton plus haut cyprès, funéraire et lointain.