Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/590

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

transport d’une voie ferrée sont infiniment moins coûteuses que la construction d’un canal. Dans le cas qui nous occupe, les voies navigables projetées coûteront plus de 600 000 francs par kilomètre : pour la moitié de cette dépense, on aurait un chemin de fer rendant non seulement les mêmes services, mais beaucoup plus de services, car outre le transport des marchandises il assurerait celui des voyageurs, des messageries, de la poste. De plus, ces services seraient permanens, au lieu d’être, comme ceux de la navigation, interrompus périodiquement par les gelées et les chômages de toute sorte.

Les partisans des voies navigables répondent que ces voies ont sur le chemin de fer une supériorité, celle de constituer un instrument de transport plus économique, et que cet avantage, à défaut d’autre, suffirait à justifier leur construction. Mais cette assertion, bien que très répandue dans le public et y trouvant généralement créance, n’est pas plus exacte que les autres. Le public se figure que la voie d’eau est plus économique que la voie de fer, parce qu’il paie en général ses transports meilleur marché sur la première que sur la seconde. Mais son erreur consiste en ce qu’il croit payer sur une voie comme sur l’autre la totalité du prix de transport, ce qui n’est pas. Sur la voie d’eau, il ne paie à l’instant qu’une partie des frais, celle qui représente la location du bateau et la rémunération du batelier, et en outre, sur les voies à péage restreint, une part des frais d’entretien et d’administration de la voie. Le reste, qui correspond à l’intérêt et à l’amortissement des dépenses de construction de la voie et au surplus des frais de son entretien, n’est pas réclamé immédiatement ; mais il n’en est pas moins perçu. Il l’est en fin d’année sous forme d’impôt, et d’une manière singulièrement peu équitable, car une partie seulement en est payée par celui qui a bénéficié du transport, et le surplus par le contribuable voisin qui n’a jamais rien expédié par eau.

En est-il de même pour le transport par chemins de fer ? Bien loin de là. Le réseau prussien donne, comme nous l’avons dit, un produit net, qui non seulement couvre toutes ses charges d’établissement, mais même subvient en partie aux dépenses de la guerre, de la marine, de l’instruction publique, etc. Lors donc qu’un expéditeur fait transporter des marchandises sur ce chemin, il débourse immédiatement une somme qui représente les frais réels et complets du transport, plus une part d’impôt qui