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Et puis, malgré le mérite des recherches, l’allemand manque de sûreté et de rectitude : il faut épurer cela et le passer au crible.

Adieu, cher ami, je pense que ma bourse d’étudiant tiendra ferme jusqu’au bout de mon voyage, et que j’aurai de quoi repasser le Rhin… victorieusement. Je vous embrasse avec une vive et profonde affection.


Tübingen, 9 septembre 1882.

Mon cher ami,

Je suis à Tübingen depuis huit jours. J’y ai reçu votre lettre, qui est allée me chercher à Munich. J’éprouve toujours une grande joie à recevoir de vos nouvelles et de celles de votre petit monde ; mais les lettres d’ami sont particulièrement délicieuses quand elles vous arrivent dans l’exil.

Je touche à la fin de mon long voyage. Tübingen va être ma dernière étape. Dans une dizaine de jours, je m’acheminerai vers Strasbourg à travers la Forêt-Noire ; et, de Strasbourg, je prendrai mon billet directement pour Paris.

J’ai parcouru à peu près toute l’Allemagne : la Saxe, la Prusse, le Hanovre, la Bavière, le Wurtemberg. J’ai visité les grandes Universités de tous ces pays : celles de Leipzig, de Halle, de Berlin, de Göttingen, de Munich, de Tübingen ; je me suis assis sur le banc des étudians allemands ; j’ai été mêlé à leur vie ; j’ai écouté les mêmes maîtres qu’eux ; j’ai appris leur langue ; je me suis renseigné par moi-même sur l’organisation et le fonctionnement des Universités.

J’ai étudié les livres de critique philosophique et religieuse que je voulais connaître ; je crois, cher ami, que mon but est atteint. Par conséquent, il ne me reste plus qu’à repasser le Rhin et à venir utiliser dans mon pays les trésors que j’espère avoir amassés ici, sur cette terre étrangère… et toujours ennemie de la France.

Tübingen est une petite ville charmante : ville, c’est trop dire… Tübingen est un gros village allemand, bâti à cheval sur une colline verte. Un vieux château fort découronné domine les autres maisons, et une élégante église gothique, du pur XIVe siècle, élève sa tour et sa flèche au-dessus du château féodal.

Les maisons sont très pittoresques, avec leurs pignons et leur toit pointu. En passant dans les rues de Tübingen, tortueuses,