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Madagascar, nous lui avons dû la perte du tiers de nos troupes, enlevé par les fièvres ou la dysenterie.

À cette nocivité meurtrière du paludisme, on peut mesurer l’espoir et l’intérêt qu’ont fait naître les découvertes de la science, laissant entrevoir la possibilité de dompter le fléau. L’une de ces découvertes, déjà vieille de vingt ans, a fait connaître la véritable nature de l’agent infectieux, c’est-à-dire l’hématozoaire : l’autre, toute récente, a révélé dans un genre particulier de moustiques, les Anophèles, les intermédiaires qui inoculent le germe à l’homme.

C’est le 23 novembre 1880 que M. Laveran, médecin militaire à Constantine, signalait à l’Académie de médecine, dans une note préliminaire, l’existence des véritables parasites de la fièvre palustre. La nouvelle fut accueillie avec quelque froideur. Elle contrariait une théorie récente et qui avait la vogue, la théorie bactérienne de Klehs et Tommasi-Crudeli. Ces savans avaient signalé, l’année précédente, un micro-organisme, le bacillus malariæ, qu’ils croyaient être le germe du paludisme. C’était le moment des découvertes pastoriennes les plus retentissantes. Les microbes, les bactéries, apparaissaient comme les agens universels des maladies. Or, les organismes annoncés par M. Laveran n’étaient pas des bactéries. Lui-même ne savait pas bien ce qu’ils étaient au juste. A peine si nous commençons à le savoir aujourd’hui. Sept ans plus tard, Metchnikoff, avec l’instinct divinateur qu’on lui connaît, entrevit que ce pourraient bien être des animaux de la classe des sporozoaires, et de l’ordre des coccidies[1]. Les travaux ultérieurs ont justifié cette vue.

Il fallait, pour soumettre à l’épreuve ce rapprochement, mieux connaître les deux termes de la comparaison. Les zoologistes se mirent à l’œuvre ; ils découvrirent les formes multiples et l’évolution compliquée et dimorphique des coccidies véritables. R. Pfeiffer en 1892, Simond, Schaudinn et Siedlecki de 1897 à 1899, Vasielevsky et Léger en 1898, Laveran lui-même, ont contribué à fixer nos connaissances sur l’histoire naturelle de ces protozoaires.

D’autre part, et parallèlement à cette marche des études sporozoologiques, les parasitologistes apprenaient à interpréter les formes diverses et l’évolution, également compliquée, de

  1. Voyez, dans la Revue du 1er novembre 1901, notre étude sur les Sporozoaires.