Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/797

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapides les échanges entre les peuples, le Maghreb, de plus en plus, s’isole. Jadis, ses bateaux légers allaient trafiquer jusqu’en Orient, ses pirates venaient piller jusque sur les côtes de Provence et d’Italie, ce qui, après tout, est encore une manière d’avoir des relations avec ses voisins. Il n’y a plus de flotte marocaine, que les trois bâtimens du sultan qui dansent sur leurs ancres dans la baie de Tanger. Quant aux ports, non seulement il n’en existe pas un seul, ni un seul phare (sauf le phare international du cap Spartel) ; non seulement il faut, quand le temps le permet, débarquer les marchandises dans des rades foraines, exposées à tous les vents ; mais encore quelques rades, notamment celle d’Agadir, le meilleur mouillage de toute la côte de l’Atlantique, sont complètement interdites au commerce. Quant aux chemins de fer, le Maroc refuse absolument qu’il en soit construit sur son territoire. Les routes sont de simples pistes, frayées par un usage séculaire, qui ne permettent l’emploi d’aucun véhicule lourd. Cette circonstance, à elle seule, serait un obstacle à toute exportation importante de céréales et de minerais, si les prohibitions légales ne suffisaient pas à l’entraver. Les « trois royaumes » de Fez, de Marrakech et du Sous, dont la, juxtaposition constitue ce que nous appelons « l’empire du Maroc, » ont chacun leur vie commerciale, leur activité économique particulière ; l’incommodité et l’insécurité des transports rendent les communications de l’un à l’autre si malaisées, que l’on a vu parfois l’un d’eux manquer de tout, tandis que les autres étaient dans l’abondance. De Marrakech, pour se rendre à Taroudant, dans le Sous, ou aux oasis du Tafilelt, il faut franchir des cols élevés, traverser des régions dangereuses ; de Fez à Marrakech, que nos livres de géographie appellent « les deux capitales du Maroc, » l’on ne va que par Rhât et la côte ; et il est plus aisé de se rendre de Fez à Tlemcen, par Oudjda, qu’à Marrakech ; le sultan n’entreprend que rarement ce dernier voyage, et encore se fait-il escorter par une véritable armée, car l’antique Fez est une cité capricieuse où les tulba s’agitent volontiers et qui n’ouvre pas toujours de bon gré ses portes à « l’empereur. » A plus forte raison le voyage est-il pratiquement presque impossible aux commerçans et aux marchandises.

Le Maroc, aux portes de l’Algérie et de l’Espagne, est actuellement l’un des pays les plus inconnus du globe, celui sans doute où il est le plus dangereux de pénétrer. Un voyageur