envoyé un exprès à Rome pour les tenir avertis de cela. » Son inquiétude est donc en éveil. D’ailleurs, il sèche d’impatience, et l’impatience est ombrageuse.
Pourtant, comment croire à tant de malice ? Luynes est si affirmatif, si empressé, si cordial ! Il écrit encore à l’évêque ; le 17 octobre : « Je suis extrêmement content de quoi vous auriez reconnu le soin que j’ai pris de vous servir en votre affaire de Rome… Nous continuerons à faire les mêmes instances que nous avons faites. » Et puis, de Fontainebleau, le 12 novembre : « Si je recogne jamais de ce que je vous ai promis, que je meure plus tôt ! Fiez-vous donc à moi. Je le dis parce qu’on m’a dit que vous aviez quelque méfiance… ; » et encore, le 19 décembre : « Ne vous mettez plus en peine d’imprimer en mon esprit l’affection que vous avez pour moi, puisque je ne suis nullement en doute… Il faut donc, désormais, faire et ne plus rien dire, puisque nos cœurs sont bois de soupçon. » Et cela, même quand il s’éloigne. De Boulogne, où il accompagne le Roi, pendant le voyage de Calais, il écrit encore, le 25 décembre 1620.
Un tel empressement finit par avoir raison des doutes de la Reine et de ceux de l’évêque de Luçon. D’ailleurs, Luynes, par une dernière habileté, ou une dernière faiblesse (car il n’a même pas le courage de sa perfidie), change encore de manège, à la fin. Le comble de l’art serait de se dégager de toute responsabilité et de tout faire retomber sur Rome. Aussi, quand l’époque de la promotion approche, que la Reine-Mère multiplie ses démarches avec une sorte de fièvre, et, aussi, quand les choses recommencent à se brouiller dans le royaume, il parle au nonce dans des termes sensiblement différens : « Il change d’avis tous les jours, écrit celui-ci ; un jour, il veut ; un jour, il ne veut pas. » Le nonce évente le piège. Il veut une parole ferme, et il pousse Luynes dans ses derniers retranchemens. Celui-ci, mis au pied du mur, est bien obligé de découvrir sa véritable pensée : « Si on le nomme cardinal, ce sera bien, dit-il à la fin ; mais si on ne le nomme pas, ce sera mieux. » Voilà les hommes qui conduisent la France ! Bentivoglio lui-même n’en revient pas. « La vérité, écrit-il, c’est qu’ils se détestent tous ! »
La promotion des cardinaux parait le 11 janvier. Le nom de La Valette y est compris. Celui de Richelieu n’y figure pas.
Il est facile de deviner les sentimens de l’évêque. Une fois encore, il était joué par ce perfide. Il eût pu éclater. Il se contint.