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Il écrit au Père Joseph une lettre demi-souriante pour lui faire part de la nouvelle, — et de l’opinion un peu naïve du bon La Cochère, qui n’a rien deviné, à Rome, et qui espère toujours une prochaine promotion. Mais il n’ajoute aucun commentaire. La vengeance est un plat qui se mange froid. Richelieu écrit, à propos de cet incident : « En France, le meilleur remède que l’on puisse avoir, c’est la patience. »

« Perdre Luynes par la violence, dit-il encore, était un si mauvais moyen pour gagner le cœur du Roi que la Reine fut toujours déconseillée d’entendre aux propositions qui lui furent faites sur ce sujet. » Mais l’évêque guette le favori, et il l’attend à la première faute ou au premier échec.

Luynes est entré dans l’ère des grands embarras et des lourdes responsabilités. Il avait cru d’abord que le voyage du Béarn était une fin, et ce n’était qu’un commencement. Il était obligé maintenant de faire la guerre aux huguenots, et cela au moment où ses adversaires lui reprochaient son double échec dans les affaires de l’Allemagne et dans les affaires de la Valteline.

Sentir rôder autour de soi, à la Cour, dans les Conseils, partout, l’inimitié muette et justement exaspérée d’un homme comme Richelieu, ce n’est pas une médiocre gêne. La Reine-Mère est l’instrument bruyant de cette hostilité désormais implacable : « Après cela, est passé un temps, écrit Richelieu, où, nos désirs étant restés les mêmes, nos espérances se sont grandement refroidies, la Reine ayant tenu presque pour constant qu’on ne voulait point d’intelligence avec elle. » C’est un combat à mort. Marie de Médicis déçue, furieuse, fait sonner sa colère. Tout est sujet de plaintes, de récriminations, d’exigences croissantes et querelleuses. Avec une insistance maternelle qui devient la plus odieuse des persécutions, elle réclame la place qui lui est due auprès du Roi. Elle a l’affection agressive. Elle veut entrer dans les Conseils, disant qu’une mère comprend mieux que personne les intérêts d’un fils. « La Reine-Mère commence à se montrer de nouveau mécontente, écrit le résident florentin ;… son mal n’est point de ceux qui cèdent à des caïmans… Dieu veuille qu’à la fin, on n’apprenne pas quelque nouveau coup de tête ! »

Autour de Luynes, on commence à s’inquiéter sérieusement. Là aussi, la colère grandit. Un habile et sage intermédiaire avertit Richelieu, et, parlant au nom du favori, emploie, après la caresse, la menace : « Vous avez été dans les Conseils et vous