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Ce matin, une promenade d’une heure et demie, par un mauvais chemin, pour arriver à un joli point de vue.

« Avant la promenade, une très bonne conversation avec lord Aberdeen sur l’Espagne. L’affaire ira. Ce soir, une bonne aussi sur toutes choses. Dans le salon de la Reine, salon sévère comme le sabbath, on a regardé des images et fait des patiences. M. le Duc de Montpensier y excelle. A, dîner, en revanche, la reine Victoria s’était parfaitement amusée : le Roi l’a fait rire tout le temps, je ne sais avec quoi. Moi, j’ai amusé lady Cowley. Si j’avais le temps, elle m’aimerait.

« Adieu, adieu. Dieu nous garde ce beau temps la semaine prochaine, pour notre dîner de Saint-Germain. Quel plaisir[1] ! »

Le lendemain, c’est par la politique que débute la lettre quotidienne :

« Aberdeen a causé hier une heure avec le Roi. C’est-à-dire le Roi lui a parlé une heure. Aberdeen a été très, très frappé de lui, de son esprit, de l’abondance de ses idées, de la fermeté de son jugement, de la facilité et de la vivacité de son langage. Nous sommes montés ensemble en calèche au moment où il sortait du cabinet du Roi. Il était visiblement très préoccupé, très frappé, peut-être un peu troublé, comme un homme qui aurait été secoué et mené très vite, en tous sens, à travers champs, et qui, bien que satisfait du point où il serait arrivé, aurait besoin de se remettre un peu de la route et du mouvement.

The King spoke to me in very great earnesteness, m’a-t-il dit.

« Et je le crois, car, en revenant de la promenade, j’ai trouvé le Roi très préoccupé à son tour de l’effet qu’il avait produit sur Aberdeen. Il m’a rappelé, en descendant de calèche, pour me le demander :

« — Bon, sire, lui ai-je dit ; bon, j’en suis sûr. Mais lord Aberdeen ne m’a donné aucun détail : il faut que je les attende.

« Il les attend très impatiemment. Singulier homme ! le plus patient de tous à la longue et dans l’ensemble des choses ; le plus impatient, le plus pressé, au moment et dans chaque circonstance. Il est dans une grande tendresse pour moi. Il me disait hier soir

« — Vous et moi, nous sommes bien nécessaires l’un à l’autre.

  1. Ils devaient se revoir ce jour-là pour la première fois depuis leur séparation.