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Sans vous, je puis empêcher du mal ce n’est qu’avec vous que je puis faire du bien.

« Il fait moins beau aujourd’hui. J’espère que le soleil se lèvera. Nous en avons besoin surtout aujourd’hui pour la promenade et le luncheon dans la forêt. Le Roi a besoin de refaire la réputation de ses chemins. Il a vraiment mené hier la reine Victoria par monts et par vaux, sur les pierres, dans les ornières. Elle en riait et s’amusait visiblement de voir six beaux chevaux gris pommelé, menés par deux charmans postillons et menant deux grands princes dans cet étroit, tortueux et raboteux sentier. Au bout, on est arrivé à un très bel aspect du Tréport et de la mer. Aujourd’hui, il en sera autrement. Les routes de la forêt sont excellentes. Au reste, il est impossible de paraître et d’être, je crois, plus content qu’ils ne le sont les uns des autres. Tous ces Anglais s’amusent et trouvent l’hospitalité grande et bonne.

« J’ai causé, hier soir, assez longtemps avec le prince Albert. Aujourd’hui, à midi et demi, la reine et lui nie recevront privatly. Ce soir, spectacle. Débat entre le Roi et la Reine (la nôtre) sur le spectacle. La salle est très petite. Jean de Paris n’irait pas. On a dit : Jeannot et Colin. Beaucoup d’objections. Le Roi a proposé Joconde. La Reine objecte aussi. Le Roi tient à Joconde : il m’a appelé hier soir pour que j’eusse un avis devant la Reine. Je me suis récusé. On est, du reste, dans l’indécision. Il faudra pourtant bien en être sorti ce soir.

« Adieu : j’attends votre lettre. J’espère qu’elle me dira que vous savez l’arrivée de la reine et que vous n’êtes plus inquiète. Je vais faire ma toilette en l’attendant. Adieu. Adieu.

« Midi. — Merci mille fois de m’avoir écrit une petite lettre, car la grande n’est pas encore venue, et, si je n’avais rien eu, j’aurais été très désolé et très inquiet. À présent, j’attends la grande impatiemment. J’espère que je l’aurai ce soir.

« Ce qui me revient de l’état des esprits à Paris me plaît beaucoup. Tout le monde m’écrit que la reine y serait reçue à merveille. On aurait bien raison. Je regrette presque qu’elle n’y aille pas. Pourtant cela vaut mieux.

« Voilà le soleil. Adieu, adieu, adieu. Je vais chez la reine et de là chez lord Aberdeen. Adieu cent fois. J’aime mieux dire cent que mille, c’est —plus vrai. Adieu ! »

De son côté, la princesse de Liéven ne perd pas son temps.