ces nouvelles à Louvois, paraît avoir songé à profiter du trouble des esprits et du désarroi général pour marcher sur la capitale et provoquer un soulèvement contre la faction orangiste : « Si, dans une conjoncture comme celle-ci, écrit-il, on osait quitter Utrecht, je trouverais des endroits par lesquels, malgré les inondations, je pourrais avancer assez près d’Amsterdam ; et peut-être ne m’y verrait-on point sans que cela y fit du remue-ménage. Mais, si nous ne devons rien craindre des principaux bourgeois, la populace, en revanche, est si pleine de mauvaise volonté, que je ne me hasarderais pas à être plus d’une nuit éloigné de cette ville. »
La fermeté du prince d’Orange dissipa promptement tous ces rêves. Quelques jours s’étaient à peine écoulés, qu’il tenait dans sa main la grande majorité des États Généraux. Des décrets rendus coup sur coup lui confiaient la mission de réorganiser les forces hollandaises, rassemblaient sur sa tête les droits essentiels du pouvoir ; et, comme par enchantement, sous cette direction énergique, le calme renaissait dans toute l’étendue du pays. « L’esprit d’union, écrit le chevalier Temple, se remit dans le corps de l’Etat, l’armée reprit cœur, et les princes étrangers commencèrent à prendre confiance. » De concessions, de pourparlers, il n’est plus question désormais dans les sphères officielles. Une résistante farouche à l’invasion, et la mort ou l’exil plutôt qu’une paix humiliante, c’est le mot d’ordre auquel se rallieront tous les bons Hollandais. « Leurs hommes d’Etat, dit Macaulay[1], discutèrent gravement de ces projets qu’inspire un généreux désespoir, et qui sont presque toujours suivis d’une lueur d’espérance. Ils parlèrent d’ouvrir toutes leurs digues, d’équiper leurs vaisseaux, de laisser leur pays s’ensevelir dans les flots de l’Océan, tandis qu’ils iraient porter dans une contrée lointaine leur foi calviniste et leurs vieilles libertés bataves, au milieu d’une végétation étrangère, dans les îles des Epices des mers de l’Orient. Tels étaient les desseins qu’ils avaient le courage de former. Il est rare que les hommes capables de les concevoir soient réduits à la nécessité de les réaliser. » L’âme ardente de Guillaume passa dans lame de tout un peuple. Un enthousiasme universel réveilla la Hollande de sa longue apathie, secoua son flegme héréditaire. Des appels enflammés désignèrent
- ↑ Biographie de William Temple.