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UN POÈTE ROMAIN

BELLI

Si l’Italie a réalisé, ou à peu près, l’unité politique qui paraissait devoir contenter tous ses rêves, elle n’a pas encore conquis, sur la diversité de ses provinces, l’unité linguistique. A côté de la langue officielle et littéraire, qui est un développement, souvent un peu artificiel et composite, du dialecte toscan, il y a bien une douzaine de dialectes distincts qui ne consentent pas à disparaître. Sans doute, on n’épargne rien pour les anéantir : outre les causes générales qui résultent de l’unité politique et de la centralisation, l’enseignement primaire travaille avec ardeur, et non sans succès, à cette besogne de destruction. Mais les dialectes italiens ne sont pas d’humbles patois de paysans, pour se laisser étouffer du premier coup, pour s’évanouir à l’arrivée des « lumières. » La plupart ont été illustrés par les œuvres littéraires : or, si la linguistique a parfois prétendu que la littérature, en immobilisant la langue, tarit en elle les sources de la vie, il est néanmoins certain que l’œuvre littéraire assure à une langue menacée son meilleur moyen de résistance ; elle lui constitue comme une place forte où elle se retranche et se retrouve. C’est ainsi que les dialectes italiens puiseront la force de se défendre, non pas tant dans la routine, dans l’attachement à la coutume, dans la persistance des folklores locaux, que dans les œuvres des lettrés qui ont aimé à s’exprimer dans la langue de