Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/928

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fallût changer de procédés. Lyriques ils étaient, lyriques ils sont restés. Ils ont continué de se développer dans le même sens, et tragédie du mélodrame n’ont été que des cadres où ils ont laissé courir leur fantaisie. Le théâtre est par excellence le genre impersonnel : des acteurs dont chacun a son caractère sont aux prises avec une situation qui met en conflit leurs passions où leurs intérêts : ils agissent et dialoguent en conformité avec cette situation et avec leur caractère. Pour le poète romantique, l’acteur n’est que son porte-parole, la situation n’est que la matière sur laquelle sa verve s’exercera. Lui-même ne cesse d’intervenir de sa personne : pas un acte ne s’accomplit sur la scène et pas un propos ne s’y débite qui ne soit déterminé par rapport à lui. Aussi, tandis qu’on ne pourrait citer aucun élément dramatique constituant l’apport des romantiques au théâtre, en revanche on retrouve dans leur drame tous les thèmes de leur lyrisme et tous les procédés par lesquels chacun d’eux a coutume de les développer.

Un des thèmes les plus habituels du lyrisme moderne est la rêverie amoureuse. Elle reparaîtra sous toutes ses formes dans le drame romantique, et nous aurons des sérénades, des romances, des épithalames et des lamentos. D’acte en acte, le duo d’amour reprend avec une orchestration différente, comme dans un opéra : il n’y manque que la musique, si toutefois aucune musique peut égaler celle des vers de Hugo. Le duo de Hernani et de Doña Sol exprime tour à tour la frénésie de l’amour dans les éclairs et dans le tonnerre, le triomphe de l’amour heureux, la lamentation de l’amour et de la mort. L’amour de Ruy Blas et de la Reine a des soupirs d’élégie ; celui de Régina pour Otbert, c’est l’amour s’appariant aux teintes de l’automne et à la mélancolie des fins de jour. Dans chacun des « morceaux » exécutés par le poète, on retrouverait la coupe et le mouvement qui sont ceux de l’ode. Ruy Gomez exprime-t-il à Doña Sol ses (angoisses de vieillard amoureux ? un premier couplet est pour traduire sa jalousie « quand passe un jeune pâtre,  » un second est fait sur cette idée que les vieux aiment plus fidèlement que les jeunes, un troisième exalte le dévouement de la jeune fille qui accepte pour mari un vieillard ; les brèves interruptions de Dona Sol ne sont qu’autant de points de repère qui permettent au développement lyrique de reprendre son essor. D’autre part, Olympio est aussi bien l’auteur de la Rêverie d’un passant à propos d’un Roi ; il aime à méditer sur les grandes catastrophes de l’histoire, sur les révolutions des empires et sur la chronique au jour le jour des événemens publics : le monologue de Charles-Quint n’est qu’une « méditation » sur l’Eu