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moins n’y trahit sa présence que, çà et là, |par de menues erreurs : car c’est une erreur, par exemple, de croire que Paul le Beau, qui fut quelque temps « capitaine du peuple » à Florence, ait olé, de ce fait, « capitaine d’un corps de mercenaires au service de Florence. » Fort heureusement, tout cela n’importe guère dans une tragédie, et la tragédie de M. Phillips a le grand avantage d’être claire, rapide, élégante, conçue avec un sens très vif de l’effet théâtral. Son intrigue repose tout entière, — pour imprévu que cela puisse paraître en un tel sujet. — sur un sentiment en somme très naturel, mais surtout très dramatique : la haine d’une femme qui vieillit, et que personne n’aime, pour une belle jeune femme tendrement aimée.

Au premier acte, Giovanni Malatesta reçoit, en grande solennité, sa jeune femme, que son frère Paolo lui a amenée de Ravenne. Il lui fait mille complimens, où elle répond de son mieux ; mais à peine l’a-t-il quittée un moment qu’elle avoue à Paolo qu’elle s’ennuie, et prie le jeune homme de rester près d’elle. Elle n’est d’ailleurs encore qu’une enfant innocente. Paolo, au contraire, qui l’aime déjà, veut la fuir : il annonce à Giovanni son départ pour Florence, sans vouloir lui en donner aucune raison, ce qui inquiète déjà l’âme jalouse du prince. Alors intervient une parente de celui-ci, Lucrezia, veuve, et qui ne peut se consoler de n’avoir pas d’enfans. Elle recommande à Giovanni de bien surveiller sa femme, qui est jeune et belle, tandis qu’il est vieux. Et voici qu’arrive ensuite, pour achever d’effrayer le malheureux mari, une servante aveuglé, Angela, qui a le don de prophétie, et qui déclare qu’elle a vu, en rêve, Francesca dans le bras d’un jeune homme, beau comme elle, et son proche parent.

Deuxième acte. — Paolo s’apprête à partir pour Florence, et déclare à Francesca qu’il part à cause d’elle, ce dont la jeune femme est tout épouvantée. Puis Lucrèce, de nouveau, attise la méfiance dans le cœur du mari, lui donnant à entendre que l’amant dont a parlé la voyante ne saurait être que le beau Paolo. Et le fait est que celui-ci, à peine sorti de la ville avec son escorte, revient sur ses pas : il n’a pas le courage de s’éloigner de Francesca, et préfère se tuer.

On le retrouve, à l’acte suivant, chez un vieux sorcier, à qui il achète une drogue pour mourir : et le voilà qui explique, sans qu’on sache trop pourquoi, qu’il est amoureux de la femme de son frère. Or son frère est là, dans un coin de la chambre. Il est venu demander au sorcier une drogue pour forcer sa femme à dire, en rêve, le nom de son amant. Ce nom, désormais il le sait, et il se réjouit à la pensée que Paolo, en se tuant, va le délivrer de tout son souci. Mais Paolo ne se