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fourni les moyens. Qui peut dire comment sera composée la majorité de la future Chambre, et même s’il y aura une majorité ? Dès lors, qui peut dire ce qu’il y aura lieu de faire ? Mais on n’en est que plus libre pour exprimer des vœux. Parmi ces vœux, il en est un qui s’est fait jour dans une partie de la presse, celle que nous appellerons semi-ministérielle, et aussi dans le discours de M. Barthou : c’est de revenir à la concentration républicaine et à un gouvernement qui la représente. Serait-ce déjà un aveu d’impuissance ? La concentration républicaine a rendu autrefois des services. La République n’était pas définitivement fondée ; elle était attaquée dans son principe même avec violence ; tous les républicains devaient donc s’unir pour la défendre, car il fallait donner un gouvernement au pays, avant de savoir comment il devrait par la suite se comporter et gouverner. On se défend, en pareil cas, avec toutes les forces dont on dispose, sans se montrer difficile sur leur composition. Mais, quand on est revenu à un état de choses normal et régulier, on gouverne suivant un programme mieux défini et avec des élémens plus homogènes. La concentration républicaine n’est pas, et elle n’était pas autrefois, dans l’esprit même de ceux qui en ont le plus habilement usé, un procédé définitif de gouvernement : aussi sommes-nous surpris qu’on tire une sorte de principe de conduite de ce qui n’a été qu’un expédient. La concentration républicaine, si on la ressuscitait demain, serait une nouvelle phase de la défense républicaine, avec des élémens un peu moins disparates, si on en éliminait les collectivistes, mais avec son caractère essentiel, qui est d’appeler au secours de nos institutions défaillantes les républicains des nuances les plus diverses, et au besoin les plus opposées. Et pourquoi même en éliminer les collectivistes, si le danger pour la République subsiste toujours ? En proclamant la permanence de ce danger, on donne plus de force à leur argument, qu’on ne peut pas se passer d’eux pour le conjurer. Ils frapperont impérieusement à la porte qu’on essaiera de leur : fermer, et, quand même elle ne s’ouvrirait pas à leurs personnes, elle s’ouvrira à leur esprit.

Cela est d’autant plus certain qu’il y aura dans la prochaine Chambre des élémens nouveaux, ardens et turbulens, soit à gauche, soit à droite. Ils ne se laisseront pas plus les uns que les autres excommunier sans se défendre, et, dans la mêlée qui en résultera, la lutte contre eux sera d’autant plus difficile qu’on aura des idées moins nettes et une volonté moins ferme. Serait-ce par hasard, à la concentration républicaine qu’on demanderait de la netteté dans les idées et de la fermeté dans les résolutions ? Elle peut avoir d’autres qualités,