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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/140

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en délaissant trop vite une part de nos conquêtes. Ce futile motif de gloriole fit prolonger la dispersion qui paralysait à l’avance toute sérieuse tentative. Le moment était proche où l’on toucherait du doigt tout le danger d’un tel système.

Le 30 août, dans la ville de La Haye, sous la pression du prince d’Orange et par ses efforts obstinés, trois traités « d’alliance offensive » se signèrent entre les puissances qu’offusquait l’ambition française. Autour des Provinces-Unies se serrèrent en un groupe compact l’Espagne, l’Empire, le duché de Lorraine. Et tandis qu’à Cologne les plénipotentiaires continuaient gravement leurs colloques, discutaient la paix générale avec une sage lenteur, les armées entraient en campagne, et la voix puissante du canon allait dominer l’entretien. C’est le premier acte du drame qui, pendant près de quarante ans, va se poursuivre entre la France et les nations coalisées contre elle. « La guerre de Hollande est finie ; la guerre européenne commence[1]. « Et ce sera le prince d’Orange qui, pour encourager les autres, donnera le signal de l’attaque et portera le premier coup.


II

Guillaume, il faut l’avouer, avait cette fois la partie belle. La face récente des événemens semble avoir pris Louvois au dépourvu. Jusqu’à la dernière heure, malgré les apprêts belliqueux, il refusait de croire à l’intervention effective des alliés de la République. « Il y a apparence que la paix va se conclure, » assurait-il le 16 août à Le Tellier, son père. Quatre jours plus tard, il écrit à Utrecht que l’on suspende l’achat des approvisionnemens, tant il est persuadé que la Hollande, si « endiablée » qu’elle soit, est sur le point de crier grâce. Aussi, quand l’illusion s’envole, la nécessité de faire tête à tant d’adversaires à la fois le surprend et le déconcerte. On ne reconnaît plus, dans cette courte période, sa clarté coutumière, la sage méthode de son esprit, et cette tranquille audace qui marche froidement vers le but. Les ordres, les contre-ordres se succèdent sans interruption. Il jongle avec les régimens, expédiés un jour sur un point, le lendemain sur un autre, passant successivement de Luxembourg

  1. C. Rousset, Histoire de Louvois.