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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/48

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déplaçant sa direction antérieure et son principal effort, naguère concentrés vers l’ouest, le germanisme paraît tendre de plus en plus à reporter à l’est l’ardeur de son action nationale et à envisager désormais le slavisme comme son plus sérieux adversaire. Il est donc intéressant de rechercher les principes qui dominent de ce côté la phase présente de l’expansion allemande, d’en étudier les causes et d’en marquer les progrès.


I

Dès l’origine, le germanisme n’a cessé d’être expansif ; il apparaît en débordant sur l’empire romain et en entamant ainsi sa lutte séculaire contre le « romanisme. » A l’est, l’expansion germanique fut plus tardive, mais son domaine sembla longtemps illimité ; elle n’eut devant elle que des groupes slaves et finnois, répartis en infimes peuplades, et partant susceptibles d’une colonisation rapide ou en petits royaumes trop faiblement constitués pour résister à une décomposition méthodique. Seuls, l’empire byzantin, puis l’invasion turque, enfin la consolidation de la masse russe, furent capables d’opposer une barrière, sinon à la pénétration, du moins à la puissance allemande. Aussi le germanisme dut-il se servir de procédés divers, selon qu’il s’agissait de son action orientale ou occidentale.. En face d’une force militaire constante et d’une culture propre, comme celle qu’il trouvait à l’ouest, il n’avait d’autre ressource que les armes ; vers l’est, au contraire, il lui parut préférable de pénétrer, de décomposer, voire de coloniser au travers de peuples doués d’une énergie intermittente et d’un faible début de civilisation.

A l’aurore du XXe siècle, comme aux premiers jours de son histoire, le germanisme maintient le caractère de son action persévérante, toujours souple vers l’est et belliqueuse vers l’ouest ; les procédés employés demeurent identiques dans leur principe, bien que transformés et perfectionnés par le progrès des temps. Et si l’on prend la peine d’étudier la marche actuelle de la germanisation, l’on ne peut manquer d’y relever de prime abord les élémens constitutifs de la vieille tradition, telle qu’elle s’est spontanément formée, dès le début de la poussée orientale, à l’égard des Slaves éparpillés au delà de l’Elbe, comme de la Bohême, de la Pologne et de la Hongrie.