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renonce à tous ses droits sur les duchés de Sleswig-Holstein en faveur de Leurs Majestés le roi de Prusse et l’empereur d’Autriche. Et on relève à peine dans le monde la contradiction d’une guerre commencée contre Christian « parce qu’il n’avait aucun droit sur les Duchés, » et terminée par une acquisition de ces droits dits inexistans ; d’une guerre commencée au nom du principe des nationalités, et terminée par l’application la plus brutale du principe de conquête.

L’histoire n’aura pas assez d’étonnement de la conduite de l’Autriche dans cette querelle des Duchés. De la part de la Prusse, la nation de Frédéric, aucun procédé risqué ne surprenait personne. Si on ne pensait pas non plus l’Autriche au-dessus des tentations, on la supposait avisée, et on ne comprit pas qu’au lendemain de la perte de la Lombardie, alors qu’elle refusait chaque jour d’écouter le vœu des populations de la Vénétie, elle fût allée au Sleswig comme le champion de la révolte d’une nationalité contre un souverain : eût-elle obtenu de la Prusse, avant de se mettre en route, la garantie de sa dernière possession italienne contre une agression de la France ou de l’Italie, la contradiction n’en subsistait pas moins.

On a dit qu’elle s’était unie à la Prusse pour la contenir : ainsi avait fait la bonne Marie-Thérèse au partage de la Pologne ; elle en avait gémi et, tout en gémissant, elle avait pris sa part. On a dit encore que Rechberg avait été décidé à ce pas scabreux par l’annonce du congrès de Napoléon III, qui signifiait perte de la Vénétie : sur les conseils de l’Angleterre, il aurait ajourné sa querelle avec la Prusse, se serait rapproché d’elle pour parer au péril prochain, et le signe de la réconciliation avait été la campagne dans les Duchés.

Une certaine part doit être faite à chacune de ces raisons ; mais François-Joseph fut surtout déterminé par ses sentimens personnels de confiance, d’affection et de respect à l’égard du roi de Prusse : revenu de sa petite révolte du Congrès des princes, l’Empereur autrichien était alors convaincu de ne pouvoir mal faire en suivant cet oncle expérimenté et qu’on devait croire loyal, tant il parlait volontiers de la Providence. Aucun sacrifice ne lui paraissait trop lourd pour conserver à son État et à lui-même cette assistance précieuse. Dans la crainte que son ministre ne la compromît, il avait dirigé lui-même toute cette diplomatie, et Rechberg ne fut qu’un instrument passif.