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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/491

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III

On a reproché à Napoléon III de n’avoir pas apporté au Danemark le secours de ses armes, de concert avec l’Angleterre, et on fait remonter à cet abandon la cause de tous nos malheurs. « Ç’a été une lâcheté, a dit Michelet, et d’autant plus incompréhensible que l’Angleterre offrait de s’unir à nous dans une action coercitive. » L’Angleterre n’a jamais proposé sérieusement une action contre le Danemark. Russell et Palmerston y eussent été par momens disposés, mais non l’opinion publique ; et la Reine se déclarait prête à abdiquer plutôt qu’à consentir à une guerre contre sa chère Allemagne.

En trois circonstances, Russell interpella l’Empereur. D’abord, avant l’ouverture des hostilités Cowley lui demanda en termes vagues si, en certaines éventualités, il serait prêt à accorder son aide matérielle. L’Empereur fut, comme il était chaque fois qu’il consentait à s’expliquer, d’une entière sincérité : « Il ne pouvait nier, dit-il, qu’il eût reçu un gros soufflet de la Russie à propos de la Pologne ; en recevoir un autre de l’Allemagne sans le ressentir était plus qu’il ne pouvait faire sans tomber dans le mépris public. Il ne pouvait, par conséquent, s’associer aux sommations anglaises, n’étant pas disposé à la guerre contre les Allemands. La question ne louchait ni la dignité, ni les intérêts de la France et n’y causait aucune excitation. Le Corps législatif représentait fidèlement l’opinion, qui était pacifique, maintenant que la France avait acquis assez de gloire pour se défendre de l’accusation portée contre Louis-Philippe d’être servile envers l’étranger. Une autre raison l’empêcherait de faire la guerre, savoir : que la France semblerait chercher un dédommagement sur le Rhin et que cela mettrait toute l’Europe contre elle. L’opinion générale qu’il voulait étendre ses frontières de ce côté le rendait doublement prudent. La politique des nationalités était populaire en France et chère à lui-même. Il ne pouvait, par conséquent, aider à remettre les Holstein sous le joug du Danemark qu’ils détestaient, tandis qu’il cherchait à arracher la Vénétie à l’Autriche pour la rendre à l’Italie ; il ne voulait pas être accusé de suivre sur l’Eider une autre politique que sur le Pô. »

Russell n’insista pas.

Mais il revint à la charge, une seconde fois, d’une manière