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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/598

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seroit sorti de l’Opéra. » Sa popularité se traduisait par des vers ou des chansons :


Prince qui faites les délices
Et de l’armée et de la cour,
Du vieux soldat et des milices
Et de toute la gent qu’assemble le tambour.


disait La Fontaine, et les chansonniers répétaient à leur tour :


Le fils de Gabrielle
Arrive dans ces lieux.
Une gloire immortelle
Le rend égal aux dieux.
Les cœurs à son passage
Volent aujourd’hui,
Et c’est le seul hommage
Digne de lui[1].


Un plus modeste aurait pu être enivré de cette faveur de la Cour, de l’armée et du peuple. La hauteur naturelle de Vendôme s’en accrut au point qu’ayant toujours émis la prétention, bien qu’il fût seulement lieutenant général, de commander aux maréchaux en sa qualité de prince légitimé et y ayant quelquefois réussi, il refusa la patente de maréchal général des camps et armées du Roi, qui n’avait été conférée à personne depuis Turenne, parce que, dans cette patente, il n’était pas fait allusion à sa naissance. Mais comme, avant de quitter l’Italie, il avait eu une brillante affaire à Calcinato, comme, durant la première année de son commandement en Flandre, il avait, sans remporter grands avantages, contenu les ennemis, comme il n’avait jamais subi de défaites, le commandement en chef de la plus forte armée que la France eût rassemblée depuis longtemps devait paraître à sa présomption une récompense bien méritée, et on aurait pu aisément prévoir qu’il le prendrait de haut avec un jeune prince, plein de bonne volonté, mais sans expérience militaire, sous les ordres duquel, nominalement au moins, il allait se trouver Cette association, qui devait si mal réussir, aurait été cependant sollicitée par lui, s’il faut tenir pour exact ce propos de sa tante, la duchesse de Bouillon, que rapporte un de ses familiers, le chevalier de Bellerive[2] : « Vous avez demandé des

  1. Bibliothèque nationale, le Chansonnier français, t. XI, p. 490.
  2. Le chevalier de Bellerive servit sous les ordres de Vendôme en Espagne, durant la campagne de 1710. En 1714, après la mort de Vendôme, il fit paraître un volume intitulé Histoire des dernières campagnes de S. A. R. le Duc de Vendôme, qui ne contient en effet que le récit des dernières campagnes de Vendôme en Espagne. Mais il a laissé huit volumes de manuscrits qui sont aujourd’hui déposés à la Bibliothèque nationale (manuscrits français, n° 14 169 à 14 174, 14 177 et 14 178) et qui contiennent la transcription presque intégrale de la correspondance de Vendôme et le récit de ses principales campagnes. Nous en avons déjà tiré quelques citations. M. de Boislisle, dans le seizième volume de son Saint-Simon, qui vient de paraître, a reproduit presque in extenso le récit très passionné et partial en faveur de Vendôme que Bellerive a fait de la campagne de 1708. Nous nous en référerons pour les citations à la publication de M. de Boislisle.