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contre l’Autriche, de même qu’elle en assure à l’Autriche contre l’Italie, et c’est la merveille de cette politique, inventée à Berlin, qu’elle inspire une égale sécurité à Vienne et à Rome, sans qu’on puisse dire à qui elle sert davantage. Nous croyons bien que c’est à l’Autriche, dont l’Allemagne s’est assuré ainsi la reconnaissance à bon compte. Au surplus, cet aspect de la question n’est pas celui qui nous touche le plus.

Nous désirions surtout savoir si la Triple-Alliance, dont nous acceptons le renouvellement comme un postulatum, restera la même chose que par le passé, à Rome aussi bien qu’à Vienne. M. Prinetti n’a pas été, sur ce point, aussi nettement explicite que nous l’aurions désiré. Il a lui-même très loyalement abordé la difficulté en parlant, non pas du texte même de la Triple-Alliance, mais des conventions, protocoles ou arrangemens qui sont venus s’y annexer. Quelques-unes ont, ou ont eu certainement à notre égard un caractère agressif, ce qui a pu être explicable, sinon légitime autrefois, mais ne serait aujourd’hui ni l’un ni l’autre. Ces arrangemens, — et, pour être clairs, nous parlons en particulier des arrangemens militaires, — existent-ils, oui ou non ? M. Prinetti a déclaré qu’ils n’existaient pas ; il nous aurait donné une satisfaction beaucoup plus complète, s’il avait dit qu’ils n’existaient plus. Mais peut-être était-ce là sa pensée, et, puisqu’on l’interrogeait sur les conditions du renouvellement de la Triple-Alliance, il a sans doute parlé pour l’avenir plus que pour le présent et pour le passé. Quoi qu’il en soit, son discours n’a pas absolument dissipé les nuages, et, tout en rendant pleine justice aux sentimens dont il s’est montré animé à notre égard, nous nous demandons s’il ne lui reste pas encore quelque chose à dire. Il importe, en effet, que, dans nos relations avec l’Italie, aucun doute ne laisse la pensée incertaine et hésitante. Convaincus comme nous le sommes qu’on n’a rien à cacher à Rome, non plus qu’à Paris, la situation sera meilleure à mesure qu’elle sera plus claire. Elle ne saurait l’être trop.

Cette réserve ne nous empêche pas de reconnaître tout ce que la discussion du budget des Affaires étrangères à Rome a eu de bienveillant à notre égard. Il a semblé, à plus d’une reprise, que la Chambre poussait le gouvernement à Montecitorio, comme l’opinion l’avait déjà fait au dehors ; et c’est là pour nous le symptôme le plus favorable. Le gouvernement italien, comme le nôtre, est un gouvernement d’opinion, et, dans les deux pays, l’opinion est à la sympathie et à la confiance. De pareils sentimens finissent toujours par se traduire dans les faits.