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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/787

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vint prier l’Empereur de solliciter l’Angleterre d’offrir à l’Autriche les principautés danubiennes en échange de la Vénétie. Quoique ne croyant guère au succès, Napoléon III consentit à rendre ce bon office. Drouyn de Lhuys écrivit très confidentiellement à La Tour d’Auvergne : « Nous sommes loin de méconnaître toutes les difficultés dont il y a lieu de tenir compte. Nous n’oublions pas notamment qu’en demandant à la Turquie de faire un sacrifice pour rendre possible cet arrangement, les cabinets devraient se préoccuper des dédommagemens auxquels elle aurait droit, et qu’il serait nécessaire en même temps de s’assurer-que les véritables vœux des populations dont on disposerait ne seraient pas en désaccord avec les convenances de l’Europe. Mais les circonstances nouvelles semblent rendre possible ce qui avait paru ne pas l’être : j’ai surtout en vue l’attitude respective de l’Autriche et de la Prusse. Si une guerre éclatait entre elles, il n’est pas douteux que le cabinet de Berlin rechercherait l’alliance de l’Italie et que l’une des conditions de leur accord serait de ne point poser les armes sans avoir assuré les Duchés à la Prusse et enlevé la Vénétie à l’Autriche. La combinaison à laquelle Vienne répugne aujourd’hui pourrait donc acquérir un très haut degré d’importance et d’opportunité et devenir, aussi bien qu’une compensation nécessaire à l’Autriche, une garantie du, rétablissement de la paix pour l’Europe. Mais cette combinaison ne pourrait-elle pas empêcher le conflit si elle était adoptée en temps utile ? Nous sommes à l’égard de l’Autriche dans une situation qui nous commande des ménagemens particuliers. Le cabinet de Londres est mieux placé que nous pour prendre cette initiative, et je laisse à votre tact le soin de suggérer à lord Clarendon qu’il pourrait y avoir intérêt à profiter de l’état présent des Principautés pour s’en ouvrir sans trop tarder à Vienne. »

Clarendon ne crut pas devoir écouter la suggestion. « Il serait sans aucun doute très heureux de voir la cour de Vienne accueillir favorablement la combinaison, mais il demeurait convaincu que, quels que fussent les embarras dans lesquels l’Autriche pouvait se trouver, nous ne devions pas raisonnablement nous flatter de voir cette puissance y prêter les mains. La possession des provinces danubiennes la mettrait en hostilité ouverte avec la Russie, et ce serait aux yeux de l’empereur François-Joseph, comme aux yeux de ses ministres, une éventualité