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beaucoup plus inquiétante que toutes celles à redouter du côté de l’Italie. De plus l’hostilité des populations roumaines envers l’Autriche faisait craindre que leur assentiment serait toujours refusé à un arrangement de cette nature. La cour de Vienne se rendait compte de cette situation, et il est probable que, si on lui offrait aujourd’hui les principautés à titre gratuit, elle ne les accepterait pas. » Clarendon exprima les mêmes objections à d’Azeglio, le ministre italien[1].

Cette première solution écartée, une autre surgit tout à fait inattendue. Le petit peuple roumain, si intelligent et si vaillant, n’existait que parce qu’il s’était toujours moqué des oracles de la conférence. Il se surpassa tout à coup en irrévérence audacieuse : au lieu d’attendre avec soumission qu’on daignât lui octroyer un prince, il s’en choisit un tout seul, le prince Charles de Hohenzollern-Sigmaringen.


VII

Pour comprendre les péripéties à travers lesquelles va passer cette candidature, il est indispensable, la première fois que cette famille se mêle au drame historique, de préciser sa situation dans la maison royale de Prusse.

Les Hohenzollern (Zollern), à partir de 1200, se divisèrent en deux branches[2] : la branche aînée souabe, les Hohenzollern-Hechingen et les Hohenzollern-Sigmaringen ; la branche cadette, les Brandebourg. Les relations entre ces deux branches issues du même tronc furent réglées par deux traités, l’un de 1488, l’autre de 1695 renouvelé en 1707. Ce dernier, négocié à Nuremberg entre Frédéric IIIe Electeur et premier roi de Prusse, celui dont son petit-fils, le célèbre Frédéric, disait qu’ « il fut grand dans les petites choses et petit dans les grandes, » et le prince de Hohenzollern-Hechingen, aîné de la branche souabe, feld-maréchal dans les armées impériales et commandant de la place

  1. La Tour d’Auvergne à Drouyn de Lhuys. 9 mars 1866. Nigra, dans son fameux rapport au prince de Carignan, dit que l’Empereur chargea, en même temps que La Tour d’Auvergne, Gramont d’une démarche pareille à Vienne. J’ai entre les mains toute la correspondance officielle et confidentielle du duc de Gramont. Il n’est pas question d’une démarche de cette nature à ce moment-là. C’est en juin et en août, qu’il sera question de la cession de la Vénétie, la première fois sur l’initiative de l’Angleterre, la seconde fois sur celle de l’Autriche elle-même.
  2. Stilfried et Archivar Marcker ont établi dans les Monumenta Zolleriana l’existence de l’ancêtre commun.