Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/798

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de faire, c’est permettre. Permettre sans conseiller dégage certainement de toute responsabilité vis-à-vis de celui auquel on se borne à accorder libre carrière, non vis-à-vis de ceux dont les intérêts seront lésés par la permission que l’on aurait pu refuser.

D’Oubril et Aristarchi ne regardèrent pas de près à l’équivoque de cette permission de faire, qui n’était cependant pas un conseil. De ce que le Roi affirmait qu’il resterait étranger à la détermination du prince et ne rengageait pas à se rendre aux vœux des Roumains, ils conclurent qu’il le désapprouvait, et ils télégraphièrent à leurs cours qu’il n’y avait pas à s’inquiéter du plébiscite roumain, que le Roi n’en permettrait pas la réalisation.

Bismarck, moins touché que le Roi des convenances personnelles, l’était autant que lui des considérations politiques. Tout en ne demandant pas mieux que de saisir l’occasion inespérée, offerte par Napoléon III, d’établir, à la veille de la guerre, un Prussien au flanc de l’Autriche, il était très soucieux, lui aussi, de ne pas s’aliéner la Russie, sur l’amitié fidèle de laquelle reposaient toutes ses combinaisons présentes et futures. Il répondit très prudemment aux congratulations de Drouyn de Lhuys : « Sa Majesté serait touchée de l’intérêt que l’Empereur témoignait à la famille royale ; mais, quant à lui, il ne lui conseillerait d’accueillir la combinaison que si elle était agréée par la Russie en même temps que par la France. Alors, nous nous en montrerons reconnaissans ; mais, même dans ce cas, nous déclinerons tout ce qui pourrait rendre la Prusse solidaire à un titre particulier quelconque[1]. » Ce qui n’empêcha pas plus tard le Roi, quand le prince Charles fut installé, de dire : « Maintenant que mon cousin Charles est en Roumanie, nous avons, sinon par des traités, du moins moralement, le devoir de le soutenir aussi bien et autant que possible[2]. »


XI

On ne pouvait cependant demeurer immobile dans l’incertitude des délibérations. Bismarck, qui, comme Napoléon III, avait sa politique officielle et sa politique officieuse, se chargea de dénouer l’imbroglio. Malade, hors d’état de sortir de sa

  1. De Benedetti, 16 avril 1866.
  2. Mémoires du prince Charles, p. 136.