Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/451

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proche de nous, ou si connue, que la familiarité supprime la distance. Il messied également, plus encore, de représenter en musique, — surtout au premier plan, — des personnages fixés en quelque sorte sous l’aspect ou sous les espèces purement historiques ou littéraires, les seules qu’ils puissent désormais supporter. Pour ces deux motifs, il semble bien que Louis XIV était le dernier des héros, — ou l’un des derniers, — à mettre en opéra. Il n’offre rien de musical, ou de « musicable, » bien qu’il ait été musicien. Et si, plus encore que la musique, il aima la poésie, assurément c’en était une qui ne ressemblait guère à celle que dans la Carmélite nous l’entendîmes soupirer.

Un autre personnage a semblé, sur la scène de l’Opéra-Comique, encore plus déplacé que le « Roi : » c’est « l’Évêque, » cet évêque étant celui que vous savez. L’auteur des terribles Maximes et réflexions sur la comédie a paru, de sa personne, dans une comédie, et musicale encore. Il a pu, ne fût-ce que de loin, ouïr quelques-uns de ces « airs, tant répétés dans le monde, » qui ne servent qu’à « insinuer les passions les plus décevantes en les rendant les plus agréables et les plus vives qu’on peut. » Sous les charmilles, au clair de lune, on a vu Bossuet, on l’a même entendu tenir à Mlle de la Vallière des discours où la musique était à peine plus invraisemblable que les paroles elles-mêmes. D’une voix tonnante, accompagnée à grand orchestre, le prélat adjura. menaça la pécheresse, et, pour être sûr qu’il ne lui parla jamais ainsi, chacun n’avait qu’à se rappeler comment il a parlé d’elle. Cela ne suffisait pas encore. Au dernier tableau, nous eûmes, — à la cantonade, — Une imitation du sermon fameux pour la profession de la pénitente. L’« arrangement » ne fut pas moins fâcheux que n’eût été la citation. Et, si ce n’est point une parodie, c’est du moins une confusion, et des plus regrettables, que de mettre Bossuet au théâtre et de lui faire un « rôle » de ce que son ministère, en de certaines circonstances, eut de plus délicat, de plus grave et de plus sacré.

L’erreur dernière, — heureusement réparée dès le second soir, — avait été de simuler avec exactitude une cérémonie de vêture. Comme de certaines gens, il y a de certaines choses qu’on ne doit pas donner en spectacle. Pour la représentation des choses saintes, en particulier des choses du cloître, le moment, autant que le lieu même, a paru mal choisi. Si c’est une allusion, elle est impertinente ; un hommage, si c’en était un par aventure, n’offenserait guère moins. Les idées et les personnes qui souffrent aujourd’hui violence méritent d’autres revanches et de plus dignes refuges. Les auteurs de la Carmélite ont dû pourtant, l’occasion leur en étant donnée, relire le sermon de