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fêtes de juillet qui rappelaient les robustes et pieux ancêtres, et ajouter, avec une discrétion de bon ton, que Noël avait aussi son charme ; un autre affirmait qu’il ne désespérait point des âmes encore inexpérimentées qui alternaient dans leurs épanchemens les noms de Dieu et de Wotan, d’Odin et de Jésus. Les feuilles radicales reconnaissaient galamment ces concessions éclectiques. « Le cri de Los von Rom, lisait-on dans l’une d’entre elles, ne peut, provisoirement, que nous conduire dans le camp du protestantisme. » Dans le numéro suivant, à moins que ce ne fût dans le même, l’éloge du paganisme revenait. Le protestantisme était du moins accepté, par tous à peu près, comme l’hôtellerie provisoire, où les uns, après expérience, établiraient leur demeure, où les autres achèveraient de se débarrasser de la rouille romaine et se feraient purs, et virils, et vraiment allemands, pour devenir ensuite de dignes fidèles de Wotan.


VI

Des âmes fières s’épanouissent dans l’Eglise évangélique d’Autriche, auxquelles il sembla que cette Eglise risquait de s’avilir. Consacrant un temple à Vienne, le 2 décembre 1898, M. le pasteur Johanny déclarait :


L’Église évangélique n’a point de sympathies pour ces initiatives qui, sous la devise Los von Rom, propagent la conversion au protestantisme comme une démonstration politique. Protester solennellement contre tout abus de notre chère confession religieuse pour un but déloyal et antipatriotique, c’est notre devoir de chrétiens, eu égard à l’intégrité de notre Église, sans parler de nos devoirs civiques à l’endroit de l’État et de l’Empereur.


On ne pouvait mieux dire, dès le début ; et jamais depuis lors on n’a mieux dit. M. Johanny n’admettait point, comme bientôt il l’expliqua plus amplement en une brochure, que l’Eglise évangélique se mît à la remorque de M. Schœnerer, qui, « dépourvu de tout patriotisme, ne s’occupe que de soutenir la politique nationale des Hohenzollern ; » qu’on adhérât à une Eglise « indépendante de Rome » (Romfrei) comme à « une société de tir ou de chant ; » qu’on préférât la Réforme au vieux-catholicisme à cause des « avantages pangermanistes » (alldeutsche vortheile) qu’elle semblait promettre ; que par là même on fît offense aux 110 000 Tchèques et aux 70 000 Polonais qui étaient de fort bons